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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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bien
charpentée, et le piano droit Bechstein qui trônait dans le vestibule montrait
qu’elle avait connu des jours meilleurs. Mais elle avoua aux jeunes filles qu’elle
était à présent une Mädchen fur alles, une femme à tout faire, et qu’elle
louait des chambres pour joindre les deux bouts dans ces temps difficiles. En
les emmenant à l’appartement d’Hitler au rez-de-chaussée, elle leur raconta que
l’oncle de Geli, « ce drôle de bohémien », était son locataire
préféré. Elle frappa deux coups à la porte et appela Herr Hitler d’une voix
suave avant de se retirer.
    Et il apparut. Il était quatre heures de l’après-midi,
mais on aurait dit qu’il venait de finir de s’habiller et de se raser, car sa
chemise blanche sans col était si bien amidonnée qu’elle semblait sortir de la
boîte, il portait des pantoufles de tapisserie violettes et un pantalon de
serge bleu fraîchement repassé avec des bretelles en cuir, et Geli sentit une
odeur de dentifrice Chlorodont. Ingrid rougit en voyant l’homme qui faisait
tant parler de lui ; Geli lui tendit la main d’un geste guindé et le salua
d’un « Grüss Gott » à l’ancienne mode bavaroise.
    Hitler regarda Ingrid en fronçant les sourcils,
puis reporta son irritation sur sa nièce.
    — Tiens, tiens, serait-ce Fräulein Raubal
à ma porte ? Quelle surprise de te voir apparaître ici à l’improviste !
    Elle décela la solennité de son ton.
    — Je réclame votre indulgence, Herr
Hitler. Mon amie Fräulein von Launitz et moi sommes ici avec une chorale de
Vienne. Nous avons pensé que vous seriez offensé si nous ne venions pas au
moins vous saluer.
    — Naturellement, dit Hitler.
    Il se retourna vers son logement, et, satisfait
de son examen, les invita à entrer.
    L’appartement ne comportait qu’une seule
longue pièce ; ses aquarelles de monuments étaient punaisées sur les murs
verts, la peinture qui s’écaillait tombait par plaques du plafond, et le sol
était recouvert d’un linoléum vert usé, caché çà et là par des carpettes de
différentes couleurs, tout aussi laides. Au bout de la pièce, la moitié de la
fenêtre était obstruée par la tête de lit, et au-dessus était accrochée une
photo de sa mère, Klara, quand elle était à peine un peu plus âgée que Geli. Le
reste du mobilier était composé d’une simple chaise, d’une table pliante et d’une
bibliothèque de guingois fabriquée avec des briques et des planches brutes d’où
les clous rouillés n’avaient pas été arrachés. Il est vraiment si pauvre que
cela ?
    —  Cet endroit
n’a jamais été neuf, dit Geli après avoir examiné la pièce.
    Hitler faillit protester, mais il se rendit
compte qu’elle plaisantait. Elle vit qu’il avait mal pris sa réflexion. Semblant
voir sa chambre pour la première fois, comme elle, il fit remarquer :
    — Je ne suis presque jamais là, Fräulein
Raubal. Et ce n’est pas mauvais pour un parti d’ouvriers d’avoir un chef un peu
fauché.
    Il lui tendit une boîte de caramels anglais, mais
elle secoua la tête.
    — Je n’ai pas de cuisine, dit-il. Sinon j’aurais
fait du thé.
    Hitler présenta timidement la boîte de
caramels à Ingrid, et finit par s’apercevoir – bien plus tard que les autres
hommes, pensa Geli – que la jeune fille était superbe. Alors il planta ses
formidables yeux d’un bleu métallique dans ceux d’Ingrid, l’emprisonnant dans
un regard implacable contre lequel elle ne pouvait rien dire ni faire. Elle
semblait stupéfaite et médusée. Elle rougit et entrouvrit les lèvres comme pour
recevoir un baiser, et ce n’est que lorsqu’elle battit des paupières, impuissante,
et qu’elle baissa les yeux, qu’elle put reprendre sa respiration. Par la suite
Ingrid confia à Geli qu’elle se sentait gênée d’avoir été ainsi subjuguée, mais
qu’elle n’avait jamais senti sur elle un regard d’une telle intensité. Même
après plusieurs jours, dans le train qui les ramenait à Vienne, Ingrid avoua
avec le plus grand sérieux : « Avoir soutenu ce regard, ce sera
peut-être le moment le plus important de ma vie ! »
    Mais, apparemment lassé de son emprise sur la
jeune fille, Hitler se retourna vers sa nièce.
    — Tu disais que tu étais venue pour
chanter ?
    — Avec la chorale du lycée.
    — Qui s’appelle ?
    — Seraphim.
    — Mon Angelika, avec les anges ! ironisa
son oncle. Tu es soprano ?
    — Oui.
    — Où allez-vous

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