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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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demanda-t-il
après un regard à la ronde.
    — Il vient juste d’aller boire un café, répondit
Hess.
    Tapant du pied, Hitler fit mine de pleurnicher
comme un enfant.
    — Mais c’est moi qui suis censé perdre
mon temps dans les cafés !
    Tout le monde rit trop fort et trop longtemps.
    Hitler se tourna vers sa nièce.
    — Tu as déjà vu notre journal ?
    Elle répondit par la négative.
    Hess tendit un ancien numéro où la phrase « Débarrassons-nous
des Juifs une fois pour toutes » s’étalait sur la une. Hitler le tint
devant lui en félicitant longuement Hanfstaengl pour avoir pensé au format
américain, avec le slogan Arbeit und Brot (du travail et du pain) placé
sous l’ours, et pour avoir engagé Schwarzer, un caricaturiste de Simplicissimus, pour concevoir cet ours. Simplicissimus, expliqua
Hitler à Ingrid, était une célèbre revue satirique, connue pour sa haine du
parti national-socialiste, c’est pourquoi il pensait que la contribution de
Schwarzer – ainsi que celle d’Hanfstaengl – était une grande victoire. L’immense
Hanfstaengl s’inclina avec grâce en entendant les louanges d’Hitler, qui ne
devaient pas être rares, car Geli vit Hess bouillir, mortifié et tourmenté. Et
voilà, il va être encore obligé d’en rajouter, pensa Geli.
    Hess se précipita vers les deux amies.
    — Nous nous sommes dit que nous pourrions
redonner aux mois leurs anciens et valeureux noms germaniques : Wonnemonat pour mai, le « mois des délices » ; pourquoi pas Brachmond, « lune
en jachère », pour juin ? Octobre serait Gelbhart, « jaune
dur ». Quant à novembre, il deviendrait Nebelung, brume.
    — C’est une idée ridicule, répondit
Hitler. Nous sommes un parti de gens simples, pas de mystiques.
    Et tandis que les traits de Hess se
décomposaient, Hitler ouvrit une page intérieure pour montrer aux jeunes filles
une caricature qu’il jugeait hilarante : un beau chevalier germanique
emmenait loin de son château un gros prêtre braillard et un Juif fort laid au
nez aussi gros qu’une calebasse, accrochés à son destrier. Désabusé, le
chevalier pensait : « Devrons-nous toujours avoir affaire à ces
deux-là ? »
    Les filles se regardèrent. En quoi est-ce
drôle ?
    —  Nous devons
aller répéter, fit remarquer Ingrid à voix basse.
    — Comment ? demanda Hitler.
    —  Sotto voce, répondit Geli en
souriant.
    — Mais j’ai encore tant de choses à te
montrer !
    — Je suis libre demain matin.
    — Parfait !
    — Vous savez que généralement le matin, c’est
avant midi ? demanda Putzi Hanfstaengl avec un sourire.
    Mais Hitler baisa la main des deux jeunes
filles et promit :
    — Tu as ma parole d’honneur que je t’attendrai
à l’hôtel Königshof demain matin à neuf heures !
    Mais c’était un
jeune homme timide en trench-coat, se présentant comme Herr Julius Schaub, l’aide
de camp d’Hitler, qui attendait Geli dans le hall de l’hôtel le lendemain matin.
Ancien employé aux expéditions des éditions Eher, Schaub était grand et
maussade, l’air déjà vieux à vingt-six ans, les cheveux brillantinés ramenés en
arrière, les oreilles en feuille de chou, et des yeux au regard fixe qu’il
garda baissés.
    — Mon travail consiste à faire tout ce
que mon Führer demande, expliqua-t-il en lui serrant la main. Et il m’a demandé
de vous emmener faire un tour de Munich.
    — Mais il m’avait promis de venir lui-même !
    Schaub esquissa un bref sourire.
    — Est-ce qu’il l’a juré devant Dieu ?
    — Il m’a donné sa parole d’honneur.
    Il haussa les épaules.
    — C’est la même chose. Cela veut dire qu’il
souhaite sincèrement vous faire plaisir. Il ne le peut pas, je le peux. Nous y
allons ?
    Boitillant jusque dans la rue, il lui expliqua
qu’il avait eu les pieds gelés sur le front russe en 1917 et qu’il avait perdu
ses orteils.
    — Vous êtes si jeune que vous l’ignorez
peut-être, mais l’armée allemande n’était pas vaincue sur le champ de bataille.
Pourtant nous avons perdu la guerre. Nous avons été victimes du sabotage
organisé par les chefs, à l’arrière. Vous n’aurez pas froid ? demanda-t-il
en regardant la veste de Geli.
    — Non.
    — En tout cas, ne venez pas vous plaindre.
    Il ouvrit la porte d’une vieille Selve verte.
    — Elle appartenait à votre oncle. Herr
Hitler est si généreux qu’il me l’a donnée dès que ses amis, les Bechstein, lui
ont offert la

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