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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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que Votre Majesté ne peut différer son départ. Votre présence à Malmaison est connue de l’ennemi. Il peut y infiltrer ses avant-gardes. Votre départ autorise le succès des signatures qui vont s’ouvrir et qui permettront au gouvernement l’intronisation du roi de Rome. Voilà la lettre que le duc d’Otrante m’a chargé de vous remettre. Elle annule les dispositions restrictives de l’article 5 du décret du 26 juin d’après lesquelles les frégates ne pourront quitter la rade sans sauf-conduits.
    —  Eh bien, faites-moi parvenir ce matin les passeports que j’ai demandés et je partirai sitôt qu’ils seront en ma possession.
    —  Sire, je m’excuse d’insister, mais la Commission pense que la sécurité de Votre Majesté exige qu’elle se rende aujourd’hui sur les frégates de l’île d’Aix. Je retourne aux Tuileries. J’y exposerai les vœux de Votre Majesté, et je demanderai les ordres de la Commission au cas où Votre Majesté arrivant à l’île d’Aix voudrait être conduite immédiatement en Angleterre sur une frégate ou un navire au lieu de rester dans cette rade. Je n’ai pas besoin d’exprimer à Votre Majesté tout ce que me font éprouver les épreuves qui l’affectent.
    —  Merci, je veux l’amiral Verhuel {37} pour commander la division navale à Rochefort. C’est mon meilleur marin.
    —  Sire, je convoquerai l’amiral ce matin même.
    —  Je vous remercie, Decrès, j’ai toujours su que je pouvais compter sur votre loyauté.
    En arrivant aux Tuileries Decrès s’arrête aux portes du palais pour contempler un immense drapeau tricolore, flambant neuf, et dont les plis géants ondoient doucement au soleil.
    Fouché qui venait de faire hisser cet emblème provisoire ouvrait la séance et dressait un tableau apocalyptique des malheurs qui menaçaient le pays.
    —  L’invasion..., le siège..., la défaite..., le bain de sang... sont à nos portes.
    Ministres et secrétaires, présidents et vice-présidents, Chambre haute et Chambre basse, tous les assistants retiennent leur souffle quand Fouché clôt son exorde et passe le relais à Davout.
    Le « frère d’armes   » de l’Empereur n’y va pas par quatre chemins. « Il n’y a qu’une solution. Il faut rappeler le roi Louis XVIII. Il n’y a pas d’autre moyen de salut... » Et dans un silence de mort, il verse quelque baume sur la plaie à vif   :
    —  Bien sûr, il faudra que le roi évite de rentrer à Paris à l’abri d’une garde étrangère. Qu’il maintienne les Chambres, les grades aux militaires, les postes aux fonctionnaires. Il devra maintenir aussi la garde nationale et la Légion d’honneur... Quant à l’Empereur, il doit partir pour éviter...
    —  Que vous a-t-il dit   ? demandait tout bas Fouché à Decrès.
    —  Qu’il partirait sitôt qu’il aurait reçu les passeports.
    Fouché serre les poings.
    —  Il se moque de nous. Il faut qu’il parte, vous m’entendez   ? Et vite. Faites alerter les capitaines de frégate. Et faites appeler Beker.
    Berthier remet à Beker le sésame attendu   :
    —  Vous comprendrez, général, que dans ce voyage un strict incognito sous votre protection sera le meilleur moyen de faire voyager Napoléon sans danger.
    « Ordre à tous les officiers civils et militaires de laisser passer le lieutenant général Beker qui se rend à Rochefort accompagné de son secrétaire et d’un domestique. »
    Au bas de ce passeport « entièrement écrit à la main   », le cachet du ministre.
    —  Ah   ! Hortense, que c’est beau la Malmaison. Qu’il ferait bon y vivre...
    Hortense a tressailli. Elle n’ose pas le regarder. C’est le premier aveu du renoncement qu’il vient de lui confier en deux soupirs.
    L’homme aux semelles de vent, l’homme qui brûlait la vie, les chevaux, les étapes et les citadelles, l’homme qui avait pour palais une berline, pour oreiller la gloire et pour jardin l’Europe s’exprimait en retraité. Il voulait jeter l’ancre parmi les roses, sa corvette de combat était devenue bateau de fleurs.
    Et il ajouta à voix basse   :
    —  Je voudrais revoir la chambre de Joséphine. Seul...
    Comme ils avançaient sous les arbres   :
    —  Cette pauvre Joséphine, il me semble toujours la voir sortir d’une allée et cueillir ses fleurs qu’elle aimait tant... Pauvre Joséphine...
    « Au reste elle serait bien malheureuse à présent... c’était la femme la plus remplie de grâces que j’aie

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