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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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n’ai
point d’excuse, messire, lâcha-t-elle d’une voix neutre.
    — En guise
de punition, tu me copieras vingt-cinq fois ce passage de Timothée, chapitre
deux, versets onze et douze, d’une belle écriture et avant de partir.
    Le cœur de Jeanne
se gonfla de courroux. Si seulement elle pouvait dire à cet homme méchant et
borné ce qu’elle pensait de lui !
    — Bien,
messire, dit-elle, gardant les yeux baissés pour qu’il ne pût lire ses
sentiments.
    Odo était déçu.
Mais elle ne résisterait pas éternellement. Tôt ou tard, elle se dévoilerait.
Et il serait là. Il tourna les talons et se dirigea vers un autre élève.
    Avec un soupir,
Jeanne reprit sa plume. Timothée, chapitre deux, versets onze et douze. Elle
les connaissait par cœur. Odo lui avait maintes fois infligé cette punition. Il
s’agissait d’une citation de saint Paul : « Je ne permettrai pas à
une femme d’enseigner, pas davantage de dominer un homme ; elle devra
rester silencieuse et écouter avec soumission. »
    Parvenue à la moitié
de sa corvée, elle sentit que quelque chose n’allait pas et leva les yeux. Odo
était parti. Debout près de la porte, les garçons bavardaient. D’habitude, ils
se ruaient hors de la salle dès la fin de la leçon. Elle leur jeta un coup d’œil
inquiet. Aux confins du groupe, Jean semblait écouter ses compagnons. Jeanne
intercepta son regard. Il sourit et lui fit un petit signe.
    Elle lui rendit
son sourire et revint à sa copie. Presque aussitôt, un sombre pressentiment lui
fit dresser les cheveux sur la nuque. Les garçons n’étaient-ils pas en train de
fomenter quelque traquenard ? Ils s’en prenaient fréquemment à elle, et
Odo ne faisait rien pour les en empêcher. Bien qu’habituée à tout endurer en
silence, elle redoutait terriblement leurs manigances.
    Elle se hâta de
recopier les dernières lignes de son devoir et se leva. Les garçons se tenaient
toujours près de la porte. Ils l’attendaient, c’était évident. Elle haussa
fièrement le menton. Quoi qu’ils eussent en tête, elle passerait entre eux d’un
pas digne et s’en irait.
    Son manteau était
suspendu à un clou, à côté de la porte. Ignorant ostensiblement ses camarades,
elle le décrocha, le jeta sur ses épaules et rabattit sa capuche.
    Une matière
lourde et gluante se déversa sur son crâne. Elle voulut ôter sa capuche en y
portant la main, mais celle-ci resta en place. Ses doigts étaient recouverts d’une
substance pâteuse. De la gomme arabique. Couramment utilisée dans les
écoles et les ateliers de scribes, elle permettait, mêlée à du vinaigre et à du
fusain, de fabriquer l’encre. Elle s’essuya la main sur sa cape, mais la gomme
refusa de se détacher. D’un geste frénétique, elle tenta de nouveau de se
débarrasser de sa capuche et poussa un cri de douleur : ses cheveux
étaient collés à l’intérieur.
    Son effroi provoqua
une explosion d’hilarité. Elle marcha à grands pas vers la porte. Le groupe s’entrouvrit
sur son passage.
    — Lusus
naturae ! lancèrent plusieurs voix. Aberration
de la nature !
    Au milieu de la
bande, elle aperçut son frère, qui riait et l’insultait avec les autres. Elle
croisa son regard. Il détourna la tête en rougissant.
    Elle poursuivit
son avance. Quand elle vit l’écharpe bleue tendue à ras du sol, il était trop
tard. Elle trébucha et tomba lourdement sur le flanc.
    Jean ma
trahie.
    Elle se releva en
grimaçant sous l’effet d’une violente douleur au côté. La gomme immonde
dégoulinait sur son visage. Elle tenta de l’empêcher d’atteindre ses yeux, mais
en vain. Sa vue se brouilla.
    Les garçons
resserrèrent leur cercle en riant et se mirent à la pousser en tous sens pour
lui faire mordre de nouveau la poussière. Plusieurs fois, elle reconnut la voix
de Jean au milieu des autres. Transformés en taches de lumière et de couleur,
les murs dansaient dans le brouillard. Elle ne distinguait plus la porte.
    Un flot de larmes
afflua soudain vers ses paupières.
    Ils n’attendaient
pas autre chose. C’était ce qu’ils voulaient  – la faire pleurer, la
forcer à les implorer, à montrer quelque faiblesse, afin de pouvoir se moquer d’elle
de plus belle.
    Je ne leur
donnerai pas ce plaisir.
    Elle se redressa
et ravala ses larmes. Cet exploit ne fit que les enflammer davantage, et ils se
firent plus pressants. L’aîné des élèves la frappa violemment sur la nuque.
Elle chancela, mais parvint à rester

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