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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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raccourcies par l’entrain que mettaient Jeanne et
Gerold à étudier ensemble. À son réveil chaque matin, elle se demandait comment
elle allait faire pour patienter jusqu’au soir. Car ce n’était qu’après les vêpres
et le souper que son ami et elle reprenaient leur lecture de Lucrèce.
    De rerum
natura fut pour elle une révélation, un livre
magique, riche en science et en sagesse. Pour découvrir la vérité, écrivait
Lucrèce, il suffisait d’observer le monde naturel. Si cette idée paraissait
raisonnable à l’époque romaine, elle était rien moins qu’extraordinaire, pour
ne pas dire révolutionnaire, en l’an de grâce 827. Mais cette philosophie séduisait
profondément Jeanne et Gerold.
    En un sens, ce
fut grâce à Lucrèce que Gerold captura la louve blanche.
    Un jour, Jeanne
revint de l’école pour trouver Villaris en plein charivari. Les chiens
aboyaient à s’en décrocher les mâchoires. Les chevaux galopaient furieusement
dans leur enclos. La cour intérieure résonnait de grondements assourdissants.
    Au centre de
celle-ci, Jeanne découvrit la raison de ce tumulte. Une louve blanche se
débattait à l’intérieur d’une cage oblongue. Les barreaux de chêne massifs,
épais de trois pouces, grinçaient sous les assauts de la bête en furie. Gerold
et ses hommes encerclaient la cage, brandissant leurs lances et leurs arcs pour
le cas où le fauve parviendrait à s’échapper. Gerold fit signe à sa pupille de
reculer. Les petits yeux irisés de la louve luisaient de haine. Jeanne se
surprit à prier pour que les barreaux résistent.
    Au bout d’un long
moment, la louve se lassa. Haletante et tête baissée, elle s’immobilisa, bien
campée sur ses pattes puissantes. Gerold baissa sa lance et vint vers Jeanne.
    — Et
maintenant, lui glissa-t-il, il ne nous reste plus qu’à mettre à l’épreuve de
la réalité la théorie d’Odo.
    Pendant près d’une
demi-lune, déterminés à observer le moment précis de la naissance des petits,
tous deux se relayèrent pour monter la garde. En vain. La louve continuait d’arpenter
sa cage, le regard sombre, sans donner le moindre signe d’une mise bas
imminente. Ils en étaient venus à douter de sa grossesse quand elle entra
brusquement en couches.
    Cela se passa
pendant le tour de garde de Jeanne. La louve, très agitée, ne cessait de
changer de position et de se retourner sur le sol, comme si elle était mal à
son aise. Puis elle grogna et fut prise de contractions. Jeanne courut prévenir
Gerold, qu’elle trouva dans le solarium avec Richild.
    — Venez vite !
s’écria-t-elle, faisant fi du protocole. Elle vient de commencer !
    Gerold se leva
immédiatement. Richild fronça les sourcils et ouvrit la bouche pour parler,
mais il n’y avait plus un seul instant à perdre. Jeanne tourna les talons et
courut le long de la galerie couverte qui menait à la cour principale. Gerold,
après s’être arrêté pour empoigner une torche, la suivit de près. Ni l’un ni l’autre
n’eut le loisir d’apercevoir l’expression qui avait figé les traits de Richild
à leur départ.
    En arrivant dans
la cour, ils trouvèrent la louve en plein travail. Jeanne et Gerold virent
émerger une patte minuscule, suivie d’une autre, puis d’une tête parfaitement
dessinée. Au prix d’une ultime contraction, un petit corps sombre et luisant
fut expulsé des entrailles de la louve et tomba sur la paille.
    Jeanne et Gerold
plissèrent les yeux pour tenter de percer la noirceur de la cage. Le nouveau-né
gisait inerte, aux trois quarts recouvert par la poche placentaire, de sorte qu’on
distinguait à peine sa tête. Sa mère prit entre ses dents le placenta et le
dévora. Gerold leva plus haut sa torche. Le louveteau ne paraissait pas
respirer.
    La mère eut une
nouvelle contraction, signe d’une seconde naissance imminente. Le temps passa.
Le petit ne donnait toujours pas le moindre signe de vie. Jeanne finit par
lever sur Gerold des yeux perplexes. Le louveteau allait-il rester inanimé tant
que son père ne viendrait pas pour lui rendre la vie ? Se pouvait-il qu’Odo
ait eu raison ? Si tel était bien le cas, ils avaient signé son arrêt de
mort en emprisonnant sa mère loin du mâle qui l’avait fécondée.
    De nouveau, la
louve gronda. Un second nouveau-né apparut et atterrit en partie sur le
premier. L’impact parut réveiller celui-ci, qui tressaillit et fit entendre un
petit couinement de

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