Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
Vom Netzwerk:
compagnons
avaient tenté jusqu’au bout de les protéger de leurs corps.
    — Lapidés ?
répéta Jeanne, les yeux écarquillés. Mais... pourquoi ?
    — Ils
étaient arméniens, membres de la secte des Pauliciens. Ils se rendaient à Aix,
et eurent l’infortune de passer en ce pays juste après une forte averse de
grêle qui avait détruit nos vignes. En de telles circonstances, le peuple
recherche toujours le responsable de ses maux. Nos gens se sont empressés de
regarder tout autour d’eux et de s’en prendre à ces étrangers d’obédience
suspecte. On les appela tempestarii, on les accusa d’avoir déclenché la
tempête par leurs mauvais sorts. Fulgence tenta de les défendre, mais ils
furent soumis à la question et leurs idées furent taxées d’hérésie. Des idées,
ma petite Jeanne, qui n’étaient pas très différentes de la question que tu as
posée tout à l’heure à Odo...
    Le regard
lointain, elle se replia dans le silence. Gerold la laissa méditer sur ce qui
venait d’être dit.
    — Asclepios
m’a dit un jour quelque chose de semblable, lâcha-t-elle enfin. Certaines idées
sont dangereuses.
    — C’était un
sage.
    — Oui. Je
serai plus prudente.
    — Fort bien.
    — Et
maintenant, dites-moi. Comment savoir si la Résurrection a bien eu lieu ?
    Gerold éclata de
rire.
    — Tu es
incorrigible ! s’écria-t-il en passant une main dans les cheveux d’or de
sa pupille. Soit... je te dirai ce que je pense.
    Le regard de
Jeanne s’alluma. Il s’esclaffa de plus belle.
    — Mais pas
maintenant, ma belle. Il faut que je m’occupe de Pistis. Viens me trouver avant
les vêpres, et nous parlerons.
    La vénération de
Jeanne se lisait à livre ouvert dans son regard. Gerold lui caressa la joue d’un
revers de main. Malgré son tout jeune âge, elle le troublait. Mais après tout,
son lit conjugal était assez froid, Dieu le savait, pour qu’il eût le droit de
savourer la chaleur d’une affection aussi innocente sans en éprouver trop de
remords.
    L’alezan renifla
encore Jeanne.
    — J’ai une
pomme, dit-elle tout à coup. Puis-je la lui donner ?
    — Pistis
mérite une récompense, approuva Gerold. Il s’est bien comporté. Il deviendra
vite un chasseur de premier ordre, ou je ne m’y connais pas.
    Elle tira de sa
besace une petite pomme rouge et vert et la tendit à l’alezan. Celui-ci la
flaira un instant, puis la croqua à belles dents. Comme Jeanne retirait son
bras, Gerold crut apercevoir un éclair pourpre au milieu de sa paume. Elle surprit
son regard et voulut cacher sa main, mais il s’en empara et la tourna vers la
lumière. Un profond sillon de sang séché entaillait sa paume d’un bout à l’autre.
    — Odo ?
demanda-t-il à mi-voix.
    — Oui,
fit-elle avec une grimace.
    À l’évidence, Odo
s’était de nouveau servi de sa verge, et cette fois-ci avec une force
considérable. La plaie était profonde. Elle devait être immédiatement soignée
pour éviter la gangrène.
    — Tu dois t’occuper
de ceci sans tarder, dit Gerold d’une voix tremblante. Rentre à la maison. Je t’y
retrouverai.
    L’intensité de
son émotion le troubla lui-même. Odo avait indéniablement tenu son rôle en la
châtiant. À dire vrai, mieux valait qu’il l’eût frappée, car, ayant ainsi
soulagé sa colère, il ne serait peut-être pas tenté de donner suite à cette
sombre affaire. Et cependant, la vue de cette blessure venait de faire naître
dans le cœur de Gerold une furie aussi irraisonnée que violente. Il aurait
volontiers étranglé Odo.
    — Ce n’est
rien, dit Jeanne, rivant toujours sur le comte son regard perçant.
    Gerold inspecta
de nouveau la plaie. Elle traversait la partie la plus sensible de la main.
Tout autre enfant aurait pleuré, voire hurlé de douleur. Jeanne n’avait rien
dit, même quand il l’avait interrogée.
    Quelques semaines
plus tôt, lorsqu’il avait fallu la tondre à cause de la gomme arabique, elle s’était
débattue comme une vraie Sarrasine. Plus tard, quand Gerold l’avait interrogée
sur les raisons d’une telle résistance, elle n’avait pu lui fournir d’autre
motif que celui de l’effroi soulevé dans son cœur par le chuchotement des
ciseaux.
    — Père !
    Dhuoda, la
benjamine des filles de Gerold, apparut au loin et se mit à dévaler la butte
pour les rejoindre. Ils l’attendirent. Elle arriva enfin, rouge et pantelante,
et ouvrit les bras à son père. Il la souleva de terre et la fit

Weitere Kostenlose Bücher