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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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sel, entassés au fond des cales de navires à voiles orangées, frappées
à l’emblème des signes du zodiaque ; et aussi toutes sortes de curiosités :
des funambules et des acrobates, des trouvères, des jongleurs, des chiens et
des ours savants.
    Certes,
Saint-Denis était loin  – à cent cinquante milles de Dorstadt, soit une
demi-lune de voyage au gré des routes crevassées et des rivières grondantes.
Mais nul ne se laisserait rebuter par cet obstacle. Tous ceux qui avaient pu
mettre la main sur un cheval ou une mule s’apprêtaient à partir.
    Comme il seyait à
un comte de son rang, Gerold emmenait avec lui une suite considérable. Quinze
de ses fideles en armes devaient chevaucher avec lui, de même qu’une
suite de serviteurs attachés à sa famille. Jeanne était du voyage. Par faveur
spéciale  – une idée de Gerold, sans doute  –, Jean serait autorisé à
les accompagner. Les préparatifs, dirigés par Richild, n’avaient pas représenté
une mince affaire. Elle tenait à ce que personne ne manquât de rien pendant le
voyage. Depuis plusieurs jours, on chargeait les nombreux chariots stationnés
dans la cour du château.
    Le matin du
départ, Villaris bourdonnait d’activité. Les serviteurs couraient en tous sens,
nourrissant et équipant les chevaux de bât ; le panetier et ses mitrons s’affairaient
autour du four, dont la haute cheminée vomissait d’énormes bouffées de fumée ;
le forgeron martelait comme un dément dans l’antre de sa forge, se dépêchant de
fabriquer un dernier lot d’éperons, de clous et de pièces d’attelage. Les sons
les plus divers se mêlaient dans une formidable confusion : des servantes
s’appelaient d’une voix suraiguë qui avait peine à couvrir les cris et les
sifflements des valets ; des vaches mugissaient, piétinaient, tandis qu’on
les trayait en hâte, un âne surchargé protestait contre le fardeau dont on l’avait
accablé. Ce remue- ménage avait soulevé un voile de poussière, qui planait à
mi-hauteur, illuminé par le soleil printanier telle une poudre d’or.
    Jeanne se
promenait dans la cour, impatiente et attentive aux ultimes préparatifs. Son
loup blanc tournait autour d’elle, les oreilles dressées et le regard luisant d’expectative.
Il partait lui aussi. Ainsi en avait décidé Gerold car l’animal, âgé de six
mois, était si profondément attaché à sa jeune maîtresse qu’il eût été vain de
vouloir les séparer. Jeanne caressa en riant sa fourrure de neige. Luc lui
lécha la paume et s’assit, langue pendante, comme pour rire avec elle.
    — Puisque tu
n’as rien de mieux à faire que de bayer aux corneilles, lança Richild en
passant près de Jeanne, va donc prêter main-forte au panetier.
    Elle se rendit
donc à la cuisine, où le panetier faisait de grands gestes frénétiques avec ses
bras blanchis de farine. Toute la nuit, il avait veillé afin de confectionner
des petits pains et des tourtes pour le voyage.
    En milieu de
matinée, le convoi fut prêt. Le chapelain dit une brève prière pour la
protection des voyageurs, après quoi l’on s’ébranla lentement. Jeanne allait
dans le premier char avec Richild, Gisla, Dhuoda et leurs trois suivantes,
derrière Gerold et ses hommes à cheval. Toutes les femmes rebondissaient à l’unisson
sur leurs banquettes au gré des ornières. Luc trottinait à côté du véhicule,
surveillant de temps en temps sa jeune maîtresse du coin de l’œil. Celle-ci
avait le regard fixé droit devant elle. Jean était parmi les cavaliers,
confortablement installé sur une excellente jument rouanne.
    Je monte aussi
bien que lui, se dit-elle, amère. Gerold avait
passé de nombreuses heures à lui enseigner l’art équestre, et elle était
désormais une cavalière émérite.
    Comme s’il avait
senti son regard, Jean se retourna et lui adressa un sourire entendu, à la fois
complice et malicieux. Puis il éperonna sa monture et se porta à la hauteur de
Gerold. Les deux cavaliers échangèrent quelques mots. Gerold renversa la tête
en arrière et éclata de rire.
    Une vague de
jalousie gonfla le cœur de Jeanne. Qu’avait pu dire Jean pour ravir Gerold à ce
point ? Tous deux n’avaient rien en commun. Gerold était un homme
instruit, un érudit, et Jean n’entendait rien aux choses de l’esprit. Et
cependant il chevauchait avec le comte, devisait avec lui, riait avec lui,
tandis qu’elle-même était condamnée à les suivre à distance, clouée sur un

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