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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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l’école, il lui fit signe de le suivre.
    — Viens,
dit-il. J’ai quelque chose à te montrer.
    Il la conduisit
jusqu’à la porte du petit cabinet où il conservait ses parchemins, y prit un
livre et le lui tendit.
    Un livre !
Vieux, certes, et quelque peu usé, mais intact... Le titre se détachait en
lettres d’or sur sa couverture de bois : De rerum natura, le chef-d’œuvre
de Lucrèce ! Asclepios lui avait maintes fois parlé de son importance. Il
n’en existait plus qu’un exemplaire, prétendait-on, précieusement conservé à la
grande bibliothèque de Lorsch. Et cependant, Gerold semblait le lui offrir
comme s’il s’agissait d’un beau morceau de viande.
    — Mais
comment... ?
    — Toute
chose écrite peut être copiée, répondit-il avec un sourire complice.
Naturellement, cette copie a un prix. Un prix considérable, en l’occurrence.
Crois-moi, l’abbé a marchandé ferme, affirmant plus d’une fois être à court de
scribes. Et en effet, il a fallu dix grands mois pour mener à bien cette noble
tâche. Mais enfin, voici l’objet. Et il ne m’aura pas coûté un denier de plus
que sa valeur !
    Radieuse, Jeanne
promena une main sur la couverture. Depuis son arrivée à l’école, on ne lui
avait jamais permis d’étudier de tels textes. Odo lui interdisait absolument d’ouvrir
les grands livres classiques de la bibliothèque épiscopale. Il préférait la
restreindre à l’étude des textes sacrés, les seuls à convenir à un esprit de
femme, faible et impressionnable par définition. Orgueilleuse, elle ne lui
avait jamais montré à quel point ce parti pris la blessait. À ta guise,
barre-moi l’accès de ta bibliothèque, se disait-elle pour se consoler. Mais jamais tu ne pourras empêcher mon esprit de réfléchir. Il n’en était
pas moins frustrant de savoir ces trésors de la connaissance à la fois si
proches et si inaccessibles. Gerold l’avait compris. D’ailleurs, il semblait
toujours comprendre ce qu’elle pensait et ressentait. Comment aurait-elle pu ne
pas l’aimer ?
    — Lis-le,
dit-il. Quand tu auras terminé, viens me trouver, et nous parlerons de tout
cela. Ce que dit Lucrèce t’intéressera à coup sûr.
    Jeanne écarquilla
les yeux.
    — Mais
alors, vous...
    — Oui, je l’ai
lu. Cela te surprend-il ?
    — Oui. C’est-à-dire
non, mais...
    Ses joues s’embrasèrent.
Elle ignorait qu’il connût le latin. Un seigneur savait rarement lire et
écrire. Il revenait à son intendant, un lettré, de maintenir à jour ses
registres et la correspondance de son fief.
    Gerold rit de son
embarras.
    — Ce n’est
rien, dit-il. Comment aurais-tu pu le deviner ? J’ai fréquenté quelques
années l’école Palatine, du temps de l’empereur Charlemagne.
    — L’école
Palatine !
    Un nom
légendaire... Cet établissement, fondé par feu l’empereur, avait accueilli les
plus brillants esprits de son temps. Le grand Alcuin lui-même y avait professé.
    — Oui. J’y
ai été envoyé par mon père, qui voulait faire de moi un savant. J’ai appris
là-bas mille choses fort intéressantes, mais j’étais jeune et trop fougueux de
nature pour me plier à une vie aussi sédentaire. Lorsque l’empereur a levé une
armée pour faire campagne contre les Obodrites, je l’ai suivi, malgré mes
treize ans d’âge. Je suis resté au loin pendant des années, et peut-être y
serais-je encore si mon frère aîné n’était mort, faisant de moi l’héritier de
ce domaine.
    Jeanne le
considéra avec un émerveillement redoublé. Gerold était un érudit, un homme de
lettres ! Comment avait-elle pu ne pas s’en apercevoir ?
    — Va lire,
ordonna-t-il amicalement. Tu trépignes d’impatience, c’est écrit sur ton
visage. Il te reste une heure avant le souper. Mais ne laisse pas passer le
tintement de la cloche.
    Jeanne monta
quatre à quatre à l’étage, jusqu’au dortoir qu’elle partageait avec Dhuoda et
Gisla. Elle rejoignit son lit et ouvrit le livre. Elle se mit à lire très
lentement, savourant chaque mot et s’arrêtant de-ci de-là pour graver dans sa
mémoire telle ou telle tournure de phrase particulièrement élégante. Quand la
lumière crépusculaire déclina, elle alluma une chandelle et revint au
manuscrit.
    Elle lut encore
et encore, oublieuse du monde, et eût sans doute laissé passer l’heure du repas
si Gerold n’avait pas envoyé une servante la chercher.
     
     
    Les semaines se
succédèrent à grande vitesse,

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