Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
Vom Netzwerk:
tournoyer à
bonne hauteur, dans un concert de cris exubérants. Puis il la reposa.
    Dhuoda se pendit
à son bras.
    — Père,
Père, venez voir ! Notre Lupa vient de mettre au monde cinq chiots.
Pourrai-je en avoir un pour moi seule, Père ? Aura-t-il le droit de dormir
sur mon lit ?
    — Nous
verrons cela, répondit Gerold en riant. Pour l’heure, ramène Jeanne à la
maison. Sa main est blessée. Elle a besoin de soins.
    — Sa main ?
Montre, ordonna-t-elle à Jeanne, qui s’exécuta à contrecœur. Mon Dieu !
que s’est-il passé ?
    — Elle te le
racontera sur le chemin du retour, intervint Gerold. Hâte-toi, ma fille, et
fais ce que je t’ai dit.
    — Oui, Père,
opina Dhuoda avant de se tourner vers Jeanne. As-tu très mal ?
    — Pas assez
pour m’empêcher d’arriver au portail avant toi !
    Jeanne s’élança
en courant. Dhuoda poussa un cri de joie et se rua à ses trousses. Les deux
filles partirent à l’assaut de la colline en s’esclaffant.
    Gerold les
regarda s’éloigner. Il souriait, mais ses yeux étaient empreints de trouble.
     
     
    L’hiver vint. Il
allait rester gravé à jamais dans la mémoire de Jeanne comme celui où elle
devint femme. Ayant treize ans, elle aurait dû y être prête, mais la soudaine
apparition d’une tache de sang sombre sur sa chemise de lin, accompagnée d’une
forte douleur à l’abdomen, la prit néanmoins au dépourvu. Ayant maintes fois
entendu sa mère et les femmes de la maison de Gerold parler de la chose, elle
sut immédiatement de quoi il retournait ; elle voyait aussi ces femmes
laver leurs serviettes chaque mois. Jeanne se confia à une servante, qui s’empressa
de lui apporter une pile de serviettes propres avec un clin d’œil entendu.
    Jeanne était
abattue. Pas seulement à cause de la douleur ou de la contrainte que son nouvel
état de femme lui infligeait, mais par l’idée même de ce qui lui arrivait. Elle
se sentait trahie par son corps, qui chaque jour la transformait un peu plus en
un être neuf et inconnu. Quand les élèves de l’école commencèrent à faire des allusions
égrillardes à ses seins naissants, elle s’efforça de les aplatir sous de
longues écharpes d’étoffe, qui lui faisaient mal, mais atteignaient leur but.
Aussi loin que remontaient ses souvenirs, son sexe n’avait jamais été qu’une
source de maux, et elle avait l’intention de combattre aussi longtemps que
possible l’évidence croissante de sa féminité.
     
     
    Wintarmanoth
apporta une gelée effroyable, qui s’abattit sur le pays comme un gant de fer.
Le froid était si violent qu’il donnait mal aux dents. Les loups et autres
prédateurs de la forêt s’approchèrent du hameau comme ils n’avaient jamais osé
le faire. Peu de villageois s’aventuraient à l’extérieur sans une raison
pressante.
    Gerold supplia
Jeanne de renoncer à aller à l’école, mais elle ne se laissa pas dissuader.
Chaque matin, excepté le jour du Seigneur, elle se couvrait de son épaisse cape
de laine, qu’elle nouait autour de sa taille pour mieux se protéger du vent
glacé. Puis elle couvrait à pied les deux milles qui la séparaient de la
cathédrale, le corps penché en avant. Quand affluèrent les redoutables vents de
Hornung, qui poussaient le froid sur les chemins en cinglantes rafales, Gerold
ordonna qu’on fît chaque jour seller son cheval pour la mener lui-même à
Dorstadt.
    Bien que Jeanne y
vît chaque jour son frère, celui-ci ne lui adressait plus la parole. S’il était
toujours aussi peu doué pour l’étude, son habileté au maniement de l’épée et de
la lance lui avait valu le respect de ses compagnons, auprès desquels il s’épanouissait
à vue d’œil. À l’évidence, il ne souhaitait pas mettre en péril cette
respectabilité toute neuve en restant proche d’une sœur aussi embarrassante. Il
se détournait toujours à son approche.
    Les filles du
hameau gardaient elles aussi leurs distances vis-à-vis de Jeanne. Elles la
considéraient avec méfiance et l’excluaient de leurs jeux et de leurs
causeries. Elles voyaient en elle une aberration de la nature  – mâle par
l’esprit, femelle par le corps. Elle n’était nulle part à sa place.
    Jeanne était
seule, certes, mais elle avait Gerold. Et Gerold lui suffisait. Elle se
contentait de sa présence. De parler et de rire avec lui de sujets qu’elle n’aurait
pu aborder avec nul autre.
    Par un jour de
grand froid, juste après leur retour de

Weitere Kostenlose Bücher