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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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notre liberté tient aussi à cette sagesse que nous possédons l’un et l’autre. S’attaquer aux navires de la Compagnie des Indes occidentales est risqué. Pour l’instant, les corsaires nous ignorent, mais en sera-t-il toujours ainsi ?
    Corneille soupira.
    — J’ai toujours tenu compte de tes avis, tu le sais. Seuls Junior et toi avez de l’importance pour moi.
    — C’est justement de Junior qu’il s’agit. Je connais cette rage qui enfle dès lors qu’on ne peut atteindre ce que l’on convoite. Je ne veux pas qu’il en soit esclave et en souffre. Je sais mieux que quiconque qu’on ne protège d’eux-mêmes que ceux qui l’acceptent. Mon rôle de mère, c’est aussi de lui donner les moyens de grandir. Il faut qu’il goûte à la vie comme j’y ai goûté. Alors seulement il sera capable d’apprécier ce qu’il a aujourd’hui. S’il ne le fait pas, il deviendra amer et, tôt ou tard, comme tu disais…
    — Je suis heureux que tu en arrives à la même conclusion que moi.
    — Et moi, je suis heureuse de ne pas avoir gardé cet enfant, avoua-t-elle en le fixant droit dans les yeux. Dans ces conditions, il aurait été folie de le porter.
    Corneille baissa la tête. Il n’avait plus faim soudain. Cette vérité aussi, il l’avait pressentie.
    — Je vais aller trouver Duncan pour lui donner ma réponse, dit-il en se levant.
    Il déposa un baiser dans ses cheveux.
    — J’ai déjà un fils, Mary, murmura-t-iL Lui seul doit compter.
    Mary le laissa partir puis appela l’aubergiste qui passait un coup de balai, soulevant plus de poussière qu’il n’en enlevait.
    — Viens donc t’asseoir, Gave-Panse, et goûter ta vinasse.
    — Ça me ferait mal, grinça-t-il en posant pourtant le balai.
    — Viens donc, répéta-t-elle, ou tu me feras éternuer. Il soupira à fendre l’âme, mais s’installa à la place de Corneille. Mary remplit le gobelet abandonné par celui-ci. Gave-Panse le leva à sa santé et en avala une goulée.
    — Tu es en souci, Mary Read, remarqua-t-il, oubliant leur jeu favori dans son regard sombre.
    — Tu as des enfants ?
    — De-ci, de-là. Aucun qui me tienne comme ton Junior le fait.
    — Ne t’y attache jamais, souffla-t-elle en avalant son vin d’un trait.
    Gave-Panse la couva d’un œil empli de tendresse.
    — Tu ne finis pas ton verre ? demanda-t-elle.
    Il eut un sourire triste.
    — Plutôt crever, dit-il. Tu as raison. Il est frelaté. Mais au lieu d’en rire comme il l’avait espéré, Mary ne répondit rien, repoussa sa chaise et le laissa à son balai.

23
     
     
    L es trois frégates filaient à belle allure, resserrant la distance qui les séparait du vieux galion espagnol. Ils étaient devenus rares sur les flots. Très rares, constituant des proies faciles pour les pirates. Bien qu’abondamment garnis en équipage et armement, on pouvait aisément s’en emparer avec une flottille. Depuis le temps que Junior rêvait d’en approcher un, il était ravi de cette aubaine.
    Mary et Corneille en avaient accepté l’augure sans sourciller. Avec une bonne tactique, avant le soir ils l’auraient maîtrisé.
    Il était impossible d’utiliser celles dont ils s’étaient servis jusque-là avec les chaloupes ou les barques, voire avec quelques bricks ou sloops. L’équipage adorait pourtant ce jeu guerrier. C’était Cork qui l’avait élaboré autrefois, préférant forcer les navires à se rendre plutôt que de les aborder et de risquer la vie de ses hommes.
    Les matelots défaisaient leurs cheveux, les ébouriffaient. Les musiciens s’armaient de tambours, le violon se mettait à crisser jusqu’à l’insupportable. Tous entreprenaient de danser sur le pont, entrechoquant leurs sabres, injuriant et promettant mille tortures à leurs futures victimes, qui, invariablement, en tremblaient. Cela suffisait souvent à ce qu’ils se rendent, parfois il fallait y ajouter un coup de semonce à la proue, rarement on en venait aux sabres.
    Là, Mary n’était pas dupe. Trop d’hommes sur le galion. Il y avait trop d’hommes pour qu’ils se laissent intimider.
    Chacun des trois capitaines connaissait sa manœuvre, quel que soit le cas de figure qui puisse se présenter. Ils en avaient débattu des heures avant de se mettre d’accord. Mary ne s’en était pas mêlée ; même si elle avait beaucoup appris ces dernières années, elle n’avait aucune expérience de ce gabarit. Corneille, Duncan et Barks avaient en commun les

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