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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Il était impressionnant de crasse, les cheveux tressés et frisottés, la barbe poisseuse et les ongles aussi noirs que les dents. Ses vêtements tenaient autant par des épingles que par le sang et le graillon.
    — Il est fou. Du moins à ce que l’on raconte. C’était un fringant corsaire, autrefois, le capitaine Teach, mais il a changé de nom et de personnalité. L’alcool le rend mauvais.
    — Mais encore ? demanda Mary, que même à distance l’homme dégoûtait.
    Elle se voyait mal sur son navire, à sa merci.
    — Un jour, alors qu’il était ivre et s’entêtait en mer, raconta le tavernier, il descendit dans la cale, entraînant trois de ses matelots avec lesquels il avait pris querelle.
    « Faisons un enfer de nous-mêmes et voyons qui pourra y résister le plus longtemps ! » jura-t-il avant d’ajouter que serait mis à mort qui tenterait de l’écarter. Il ferma toutes les écoutilles et enflamma plusieurs pots emplis de soufre et autres combustibles.
    Le tavernier s’interrompit et risqua un œil par-dessus son épaule pour vérifier que Blackbeard n’avait pas bougé, puis enchaîna :
    — En peu de temps, la fumée âcre envahit le navire et l’on entendit crier et supplier. Son équipage était terrorisé, craignant qu’il ne fasse tout exploser. Il a fini par reparaître en riant et en se moquant de ses matelots qui pleuraient comme des fillettes, toussant et crachant pour aspirer l’air qui leur avait manqué. Blackbeard dégaina ses pistolets et en abattit deux à bout portant dans un éclat de rire satanique. Il épargna le troisième en lui recommandant de prendre garde à ne plus jamais montrer un quelconque signe de faiblesse, acheva le tavernier en frissonnant.
    Baletti et Mary échangèrent un regard complice. Visiblement, ce Blackbeard cultivait sa légende.
    — J’ai soif ! Tavernier ! Ramène-toi ou je fais sauter ton cuvier !
    — J’arrive, Blackbeard, j’arrive, s’empressa de lui répondre celui-ci.
    Il se retourna vers eux en soupirant.
    — Il vaut mieux éviter de le contrarier.
    — N’as-tu rien de mieux à nous conseiller ? demanda Baletti en le retenant par le bras.
    — Faites-vous corsaires, lâcha-t-il. Teach est sur la liste noire de Woodes Rogers. Il ne tardera pas à le faire pourchasser. Adressez-vous à James Bonny.
    — Qui est-ce ?
    Il leur désigna le triste sire qu’il avait délaissé pour prendre leur commande, puis s’écarta d’eux pour rejoindre le pirate qui s’impatientait.
    — Qu’en penses-tu ? demanda Mary.
    — Aucune envie de voir ses mains sur toi, grinça Baletti dans une moue dégoûtée. Personne ne te connaît ici. Il serait plus prudent que tu caches ta nature. En outre, nous serons plus en sécurité avec les corsaires qu’avec les pirates, vu les circonstances.
    Mary hocha la tête. C’était aussi son sentiment. Ils se levèrent de concert pour rejoindre James Bonny. Il ne redressa pas seulement la tête pour les saluer, faisant tournoyer son rhum dans son verre.
    — Il paraît que tu te charges d’enrôler des corsaires ? demanda Baletti.
    Bonny soupira, reposa son rhum et planta son regard dans le sien.
    — Tu as un navire ?
    — Non, nous étions de l’équipage de Vane.
    Un rictus mauvais ombragea ses traits et Mary le vit serrer ses doigts sur le verre, à le broyer.
    — De Vane ou de Rackham ?
    — Rackham a enlevé La Revanche et nous a abandonnés avec Vane sur un sloop.
    James Bonny ricana et avala son verre d’un trait.
    — Rackham prend tout, cracha-t-il. Salit tout. Même l’amour.
    Mary et Baletti n’eurent pas le temps de s’interroger sur le sens de cette tirade que le rire de Rackham éclata comme un coup de tonnerre à l’entrée, juste en face de Mary. Son œil alla des traits crispés de Bonny, qui s’était mis à suer à grosses gouttes, à l’allure débonnaire du pirate qui venait de paraître, enlaçant la taille arrondie d’une rouquine, visiblement épanouie.
    Fulminant de haine, Bonny s’était enfermé dans un silence crispé, que Baletti et Mary n’osèrent pas troubler. Leur différend devait venir de cette femme. Il valait mieux ne pas s’en mêler.
    Rackham longea leur table, apparemment désinvolte, mais Mary remarqua qu’il resserrait ses doigts sur les hanches de la fille.
    Elle accrocha le regard de celle-ci. Ce fut fugitif. Entraînée par Rackham, elle s’éloignait déjà, mais Mary se retourna sur son passage, avec l’envie

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