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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Rackham à Vane.
    Au vu de l’importance des mutins, celui-ci capitula sans discussion. Il serra les dents et, passant au milieu de son équipage silencieux, gagna la cale à son tour.
     
    — Désolé, capitaine, nous n’avons rien vu venir, s’excusa le maître queux, tandis qu’on rabattait la trappe sur eux, les plongeant dans l’obscurité.
    — Ça ne fait rien, Morgan, soupira Vane. Rackham a pour lui la fougue de la jeunesse. Autrefois, j’étais aussi téméraire que lui. Je ne peux pas le lui reprocher. L’âge abîme tout, messieurs.
    Mary et Baletti se gardèrent du moindre commentaire. Sur le navire, on se préparait à l’abordage.
    — Merci de m’avoir soutenu, Read.
    — On ne m’a guère laissé le choix.
    Profitant de la pénombre, elle abandonna sa tête sur l’épaule de Baletti. Elle l’avait désiré souvent depuis leurs retrouvailles. Lui aussi, apparemment, car sa tempe vint chercher la caresse de ses cheveux. Mary ferma les yeux.
    Son intuition lui conseillait la prudence. Rackham avait l’âge de Junior. Il était emporté et belliqueux, mais savait se montrer juste et fraternel. Elle avait eu tôt fait de le juger. Malgré l’animosité qu’il lui portait, elle le sentait impressionné par sa vindicte. Il ne les tuerait pas par plaisir ou par orgueil. Ce n’était pas dans son tempérament. Vraisemblablement, il les débarquerait sur l’île la plus proche, et leur consentirait eau et nourriture. Juste assez pour leur laisser le temps de s’organiser. Il était inutile de s’inquiéter. Elle avait pris l’habitude des contretemps et celui-ci la laissait indifférente. Ils n’étaient plus à une semaine ou un mois près, quand ils avaient attendu des années.
    Elle s’abandonna à leur étreinte fragile, comme une promesse de ce que serait l’avenir, lorsqu’elle lui aurait rendu la paix. Que le crâne de cristal le guérisse ou pas n’y changerait rien. Au milieu des pirates, Baletti trouverait sa place. A l’inverse de son monde où il fallait paraître pour exister, ici, chaque cicatrice amenait le respect.
    On les délivra un long moment plus tard. Au cliquetis des sabres et aux mouvements du navire, ils savaient déjà que le sloop avait été enlevé sans difficulté.
    Mary cligna des yeux sous le plein soleil d’avril en jaillissant de la cale.
    — Je vois, capitaine Rackham, que vous avez eu raison et moi tort, s’inclina Vane dans un sourire fataliste et amer.
    — Ton temps est révolu, Vane, le nargua Rackham, davantage pour marquer sa supériorité devant l’équipage que par goût.
    Son regard trahissait un sincère respect. Visiblement, Mary ne s’était pas trompée. Rackham était bel homme, audacieux et téméraire. Il ferait un bon capitaine pour La Revanche.
    Comme pour lui donner raison, il désigna le sloop accolé encore au brigantin.
    — Il est à toi, Vane. Je garde La Revanche.
    — Je vois qu’il te reste un peu de ce que je t’ai enseigné. Allons, matelots. Gagnons notre bord, décida celui-ci en se tournant vers les siens, une ride de dépit au front.
    L’aumône de Rackham laissait un goût d’amertume à son orgueil blessé.
     
    *
     
    La rumeur atteignit Ann au moment où elle repoussait ses volets. Elle était à peine habillée et James Bonny achevait de passer son gilet.
    —  La Revanche est à l’ancre ! ne put-elle s’empêcher de s’exclamer avec un sourire ravi, qui fit froncer le sourcil de son époux.
    Elle se reprit aussitôt.
    — Tu vas pouvoir t’employer aux ordres de Woodes Rogers, toi qui tempêtais de ne pouvoir le satisfaire.
    — C’est vrai, consentit James, sans pour autant refouler sa suspicion. Laissons Vane débarquer. Je sais où le trouver.
    Ann se mordit la lèvre de l’envie de courir vers la jetée. Elle ne pouvait cependant le faire sans que son époux vérifie aussitôt ce qu’elle venait si mal de cacher.
    — Je vais aller voir si le petit déjeuner est prêt, dit-elle en contournant le lit pour gagner la porte.
    James Bonny l’arrêta.
    — J’ai faim de toi bien davantage, murmura-t-il en l’enlaçant, excité par ce sentiment de jalousie qui enflait.
    Ann, embarrassée, le repoussa en minaudant.
    — Voyons, James, ne peux-tu attendre ce soir ?
    Il resserra son étreinte.
    — Maintenant, insista-t-il d’une voix dure, à moins que tu ne préfères un des marins de La Revanche  ?
    — Cesse de dire des sottises, souffla-t-elle en le laissant taquiner son

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