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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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étaient indiscutablement du même sang. Celui qu’elles faisaient couler.
     
    Cela faisait deux mois à présent que La Revanche était en mer. Rackham décida de regagner Cuba. Leurs prises avaient été maigres. Quelques barques de pêcheurs isolées. La chaleur plombait. Les réserves de nourriture et d’eau étaient au plus bas. Si le vent retombait, la famine et la soif, ces ennemies sournoises, décimeraient leurs rangs. La décision était sage et fut votée à l’unanimité, pour le plus grand bonheur de Baletti qui voulait contacter Hans et l’exhorter à la patience.
    Au fil des jours, la complicité d’Ann et de Mary grandissait insensiblement. Baletti se tenait en retrait volontairement, sachant combien ce lien était difficile à créer et d’autant plus précieux. Mary ne voulait rien brusquer. Lui non plus, qui goûtait de plus en plus cette vie de flibuste dans laquelle il n’avait pas besoin de cacher ses blessures.
     
    Ils ne croisèrent aucune voile, quatre jours durant. L’océan était aussi lisse qu’un miroir, la chaleur accablante la journée. Le navire gardait le cap mais stagnait, avançant à peine sous des brassées soudaines qui gonflaient timidement les voiles avant de les laisser pendre mollement.
    — Foutu temps ! grommela Ann aux côtés de Mary, en mâchonnant sa chique pour adoucir sa gorge sèche.
    Assise sur le bastingage, les jambes enroulées autour du pendant d’un hauban, Mary regardait sa ligne onduler sur les flots, espérant, comme d’autres, une pêche qui enrichirait l’ordinaire. De la tortue que Rackham avait chargée au dernier mouillage, il ne resterait bientôt plus que la carapace.
    — Parle-moi de toi, demanda brusquement Ann, comme Mary demeurait silencieuse.
    Sa fille recherchait de plus en plus souvent sa compagnie. La question la prit de court pourtant. Elle avait tant à raconter ! Elle ne se sentait pas prête encore. Elle aimait déjà trop Ann pour risquer de la perdre avec des aveux précipités.
    — Tu as toujours été marin ? insista Ann, peu rebutée par son mutisme.
    — Oui, répondit-elle sans mentir vraiment. Et toi, Ann, pourquoi ne pas rester à terre pour élever Petit Jack ?
    — J’ai toujours aimé la mer, d’aussi loin que je me souvienne. C’était comme une obsession.
    — C’est-à-dire ? demanda Mary, profitant de la brèche qu’elle lui ouvrait.
    Le front d’Ann se plissa en fixant l’horizon.
    — L’odeur de la poudre et du sang. Elle a hanté mes cauchemars depuis mon enfance. Mon père prétend que nous avons été attaqués par des brigands à cette époque. Que j’en ai été profondément marquée.
    — Qui est ton père ? insista Mary comme si elle avait encore besoin d’une confirmation.
    — Un planteur de Caroline-du-Sud. William Cormac.
    Ann soupira tandis que Mary souriait, sereine. Il lui faudrait apprendre ce qui restait de Breda dans la mémoire d’Ann puisqu’elle ne s’était pas rappelée d’elle, de ses traits ou de sa voix.
    — C’est étrange, poursuivit Ann, suivant le fil de ses pensées. Depuis que je suis avec Rackham, quelque chose en moi s’affole à l’approche des abordages. Quelque chose qui ne s’apaise qu’à leur violence. C’est peut-être parce que je le hais.
    — Qui ?
    — Cormac.
    Le silence retomba. Le visage d’Ann était fermé, crispé sur un souvenir douloureux.
    — On ne peut pas haïr son père sans raison…
    — J’en ai une, Read. La meilleure qui soit, crois-moi. Oui. La meilleure qui soit.
    Elle serra les mâchoires et Mary ne put rien en tirer de plus, furieuse d’imaginer que Cormac ne lui avait pas tout raconté.
    Le lendemain, un orage roula de l’est et tous se précipitèrent dans la cale pour en remonter les futailles vides. Lorsqu’il creva, Ann fut la première à danser sur le pont, tourbillonnant sur elle-même en riant, bouche ouverte, offerte à cette pluie qui les sauvait.
     
    *
     
    Mary devinait l’impatience d’Ann au temps qu’elle passait désormais à scruter l’horizon tandis que les jours défilaient, les rapprochant de Cuba. Ils n’avaient enlevé qu’une barcasse la veille, sans en tirer grand profit. Son fils lui manquait. Elle la rejoignit, son quart achevé, abandonnant une fois de plus Baletti, qui semblait n’en être pas affecté.
    — Petit Jack, c’est cela ?
    Ann hocha la tête.
    — Tu as des enfants, Mary ?
    — Deux.
    — Ils ne te manquent jamais ?
    — A chaque

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