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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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beuverie, détestant que Mary s’en moque quand, elle, tenait la guildive mieux que personne. Il fallait cependant qu’elle soit réaliste. Son malaise tardait à passer et elle y voyait une autre raison, bien plus dérangeante.
    Elle essuyait sa bouche lorsqu’elle entendit hurler sur le pont. Une voix de femme.
    « Mary ! » pensa-t-elle aussitôt en se précipitant au-dehors.
    Elle se fraya un passage au milieu des matelots qui riaient grassement et s’immobilisa au premier rang, suffoquée par le spectacle. Là, devant elle, sans ménagement ni pudeur, Fenis s’acharnait entre les cuisses d’une inconnue que Brown empêchait de se débattre.
    — Assez ! hurla Ann. Lâchez-la !
    On rit de plus belle autour d’elle. Une main se referma sur son poignet pour la tirer en arrière. Elle se retourna, mauvaise, et son regard noir cueillit celui de Rackham.
    — Empêche-les, gronda-t-elle en portant la main à son pistolet.
    Rackham l’en délesta promptement.
    — Regagne ta cabine, ordonna-t-il, la gueule puante d’alcool, et laisse les hommes s’amuser. A moins que tu ne préfères que ce soit avec Mary ou toi qu’ils le fassent ?
    — Ils n’oseraient pas ! Et toi non plus, s’indigna-t-elle.
    — Ann Bonny ne pourra pas toujours tout empêcher. Disparais !
    Elle tourna les talons en se bouchant les oreilles pour ne plus entendre les cris de la malheureuse et ces rires porcins. Au moment de se boucler dans sa cabine, elle découvrit Mary perchée dans la hune qui la regardait tristement, Ann referma la porte sur sa colère et son indignation, en maudissant leur lâcheté.
    Au soir tombé, la captive fut rendue à son canoë. Même Rackham s’en était amusé. Ann l’avait compris en entendant les encouragements et les railleries des matelots tandis qu’il s’y acharnait. Lorsqu’il voulut forcer sa porte, elle refusa de lui ouvrir. Les tonneaux de rhum avaient été mis en perce, les hommes avaient entamé les provisions de tabac et de piments qu’ils avaient enlevées sur le schooner. Ils continuaient à s’en rassasier.
    — Ouvre, Ann ! insista Rackham. Ouvre, ma friponne.
    Le ton passa très vite de l’excitation à la colère. Ann ne céda pas.
    — Puisque tu te comportes comme un porc, c’est avec eux qu’il te faudra coucher ! lui répliqua-t-elle avant de se recroqueviller sur le lit, furieuse.
    Elle serra ses genoux entre ses bras, l’œil rivé sur la porte, bien décidée à le griffer du poignard qu’elle avait gardé à son côté, s’il s’avisait d’entrer malgré tout.
    Elle ne sortit que tard dans la nuit, discrètement, pour ne pas dévoiler sa présence au barreur juste au-dessus d’elle. Le silence avait enveloppé le navire. Seul le bruissement des eaux contre la coque le troublait. Ann se glissa jusqu’aux cuisines pour récupérer un morceau de lard rance et quelques biscuits. Elle était affamée malgré ses nausées.
    Elle sursauta en entendant bouger et se retourna dans l’obscurité qui régnait.
    — Ce n’est que moi, chuchota Mary. Je t’attendais.
    Ann se jeta dans ses bras et se mit à pleurer.
    Elle regagna la cabine à ses côtés, enjambant les matelots ivres, sans plus de bruit que tout à l’heure. Elle n’avait aucune envie d’alerter son capitaine.
    — Où est Rackham ? demanda-t-elle à peine la porte refermée.
    — À la barre, avec Davis. Ils se relaient.
    Un nouveau sanglot monta dans la gorge d’Ann. Elle l’étouffa dans son poing rageur.
    — Comme des chiens, grinça-t-elle. Des chiens enragés. Je ne peux pas, Mary. Je ne peux tolérer ce qu’ils ont fait. Cela m’est odieux.
    — C’est la loi du plus fort, Ann, tu n’y peux rien changer.
    — Comment peux-tu l’accepter, toi ? Tu es une femme, bon sang ! Elle ne s’en guérira jamais !
    Mary soupira en la serrant plus fort dans ses bras.
    — J’ai supporté bien pire, Ann. On se guérit de tout, crois-moi, à condition de le vouloir.
    Ann s’écarta d’elle.
    — Moi je n’ai pas oublié, dit-elle.
    — Qu’est-ce que tu n’as pas oublié ?
    — Mon père. Je ne me souviens pas au moment où il m’a prise, mais de l’avortement qu’il m’a imposé. Je sais le mal que cela fait. Dans le ventre, dans la tête, dans le cœur.
    La gorge de Mary se noua. Elle se rapprocha d’elle et l’enlaça. Ann ne se déroba pas.
    — Aucun père digne de ce nom ne commettrait un tel acte.
    — Il l’a fait pourtant.
    — Alors, c’est

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