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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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créature la plus vénale que j’aie jamais croisée. Elle possède un objet que Baletti souhaite récupérer et vice versa. Ils ont conclu une trêve pour les mettre en commun, mais jamais Baletti ne pourrait s’associer à cette créature. Elle a la beauté du diable et elle en est le mal incarné. Morbleu, Corneille, réalisa-t-il soudain, ne me dis pas que le trésor qu’elle recherche est le même que le tien ? Qu’Emma serait cette femme sur laquelle tu te lamentais à Calais ?
    — Tu as raison sur un point, répliqua Corneille, convaincu à présent de la sincérité de son ami. C’est bien ce trésor-là que je cherchais, mais c’est Mary Read que je pleurais.
    — Mary ? s’étrangla Cork.
    Et Corneille entreprit de tout lui raconter.
     
    *
     
    Emma de Mortefontaine envoya un vase de cristal fracasser la large fenêtre de son cabinet de Douvres. Tout ce qui se trouvait sur son bureau – plumier, encre, vases et papiers – prit la même voie. Gabriel, l’homme de main qui avait remplacé George, pénétra dans la pièce, pistolet au poing, craignant une agression. Il n’eut que le temps de se baisser pour éviter la statuette de bronze qu’Emma, se retournant d’un bloc, lui envoya à la figure. Prudent, il se retira en ayant soin de refermer la porte. Une seconde statuette heurta le chambranle de plein fouet.
    Lorsqu’il n’y eut plus rien à déchirer, à lancer ou à briser, Emma poussa un hurlement sauvage de douleur et de désespoir mêlés. Un vent humide s’engouffra dans la pièce par la vitre brisée, faisant voleter les feuillets de la lettre que lui avait envoyée Boldoni. L’un d’eux s’accrocha sur les épines des roses rouges que le vase avait contenues avant de finir sur le planché ciré.
    Emma se rua dessus, l’arracha et le froissa avant de le piétiner sauvagement près de ce tapis où autrefois elle avait fait l’amour avec Mary Oliver, son timide et charmant secrétaire particulier. Elle éclata en sanglots rageurs et s’effondra enfin dans un fauteuil, épuisée de fureur, les yeux fous et les cheveux désordonnés. Baletti et Mary. Mary et Baletti. Leurs visages tournoyaient dans sa mémoire, y dansaient et s’enlaçaient en ricanant, se moquant d’elle. C’était insupportable. Elle trépigna, tapant des poings et des pieds comme pour les écraser encore et encore, hurlant de douleur d’imaginer cette alliance inconcevable. Cette trahison.
    Que Mary veuille se venger, c’était normal, Emma l’attendait, elle l’espérait. Elle s’en nourrissait à plaisir, l’imaginant défaite, tourmentée, détruite d’avoir perdu les siens. Mary avait prouvé, d’ailleurs, qu’elle ne songeait plus qu’à cela, puisqu’elle avait éliminé George et maître Dumas. Elle ricana. Baletti savait-il que Mary avait tué son père ? Evidemment non, elle n’avait pas dû s’en vanter ! Gabriel, en retournant au domicile de l’ancien procureur après la mort de George, l’avait découvert gisant dans sa crypte secrète. Emma avait chargé Gabriel d’en extraire le trésor de manière discrète. Il l’avait fait en utilisant un ancien souterrain qui partait de la crypte et avait été muré, après avoir au préalable bouclé la chambre de maître Dumas de l’intérieur pour qu’on ne le dérange pas. Emma sentit une bouffée de plaisir la ranimer. Baletti saurait. Elle se chargerait de l’instruire et de prétendre que Mary avait sacrifié Dumas pour assouvir sa cupidité. Qu’elle l’avait séduit, lui, dans le même but. Elle les regarderait se déchirer. Elle jouirait de l’aider à la punir. Ensuite, une fois pour toutes, elle les détruirait. Elle pour l’avoir laissée dix-huit mois durant l’attendre à Douvres, lui pour avoir osé posséder Mary quand il l’avait repoussée, elle, aussi cruellement. Ils allaient payer cher cette alliance.
    Emma pensait que la mort de Niklaus et l’enlèvement d’Ann auraient été suffisants pour rabaisser les prétentions de cette peste, mais elle se trompait. Elle l’avait sous-estimée. Mary était de sa race, elle voulait tout et plus encore.
    Elle hurla encore. Un cri inhumain, aigu, qui déchira le silence oppressant dans lequel sa colère avait plongé la demeure.
    Plus que jamais Mary était son double. Plus que jamais elle la haïssait de l’aimer autant. Plus que jamais elle voulait lui faire mal. Autant qu’elle souffrait.
    Et Baletti pleurerait des larmes de sang avant d’en

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