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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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à ces fourbes. Or les vaisseaux impériaux tardaient à se montrer, contredisant les dires de Cork.
    — Dois-je donner l’ordre d’ouvrir le feu ? demanda son lieutenant.
    — Faites, trancha Forbin.
    Il se tourna vers Clairon, debout sur le pont du brûlot, à portée de voix. Comme lui précédemment, il lorgnait le large, le front soucieux.
    Du château de Potrée les canons grondèrent, anticipant ceux de La Galatée. Leurs boulets vinrent éclabousser par un tir trop court les flancs du navire.
    — Rasez-moi ces murailles, décida Forbin en croisant ses mains dans son dos.
    Il se concentra sur les éboulements qu’il provoquait, agacé par un pressentiment étrange. Brusquement, il en comprit la teneur.
    — Cessez le feu ! ordonna-t-il.
    Les canons tirèrent leurs dernières bordées et il put vérifier la véracité de son intuition.
    — Corne du diable ! Ils attaquent La Gentille  !
    —  La Gentille  ! beugla Clairon en écho depuis son porte-voix.
    Les deux hommes avaient réagi en même temps. Forbin n’hésita pas un instant.
    — Virez de bord ! hurla-t-il. Il faut les secourir !
    Le lieutenant n’eut pas le temps de donner ses ordres. Un boulet frappa de plein fouet l’étambot qui éclata dans un craquement sinistre.
    — Touché au gouvernail ! tonna le barreur.
    — Manquait plus que cela, gronda Forbin, voyant le navire prendre le vent et s’éloigner de la côte.
    — Charpentier, ordonna-t-il, au rapport. Estimation des dégâts.
    La frégate incontrôlable poursuivait sa course.
    — Affalez les voiles ! exigea Forbin.
    Il s’empara du porte-voix et ordonna à Clairon :
    — Rejoignez La Gentille  !
    Clairon n’en attendit pas davantage. La Galatée ne pouvait plus se mouvoir comme elle le souhaitait. Il fit mettre à l’eau un canot et y descendit avec une vingtaine d’hommes, laissant le brûlot rejoindre La Galatée.
    Activée par le mouvement des rames, l’embarcation s’en écarta aussitôt.
    Sur La Galatée, on s’empressait de toutes parts. Les premiers coups de marteau résonnaient déjà à la poupe.
    Forbin enrageait de demeurer là, impuissant à secourir les siens. Il enrageait de s’être laissé berner, et d’avoir écouté ce traître de Cork ! Soudain, il se figea, glacé par l’évidence qui venait de le poignarder.
    Corneille avait répété leurs intentions à Cork. Lequel des deux avait menti ? A moins qu’ils ne se soient alliés ? Une chose était sûre pourtant, ce n’était pas Forbin que ce pirate était venu prendre. C’était Junior. Sinon, pourquoi s’attaquer à La Gentille  ?
    Il se tourna, livide, vers le maître charpentier qui s’en venait.
    — Le gouvernail est abîmé, capitaine.
    — Combien de temps pour réparer ?
    — Je dirais trois heures.
    — Faites au mieux, soupira Forbin.
    Il se dirigea vers son second.
    —  La Galatée doit être prise en remorque par le brûlot. Il faut rallier nos hommes.
    Tandis que celui-ci s’employait à relayer ses ordres, Forbin, rageur et angoissé, s’empara de sa longue-vue. Le canot de Clairon tenait l’allure. Avant longtemps il rejoindrait La Gentille. Forbin savait cependant que ce serait inutile. Les canons s’étaient tus, là-bas aussi. La frégate était certainement tombée.
     
    *
     
    — A terre ! ordonna le capitaine de La Gentille, échouée sur la grève.
    Les avaries étaient nombreuses. Fuyant désespérément les navires impériaux, la frégate s’était réfugiée dans une crique. Il avait préféré cette solution, voyant qu’ils se trouveraient vite submergés. Sur l’île, il avait une chance encore de sauver ses hommes.
    Il en était de même pour le navire. Les Impériaux ne s’attarderaient pas à le renflouer.
    Pas question de mollir pourtant. La Gentille était encore à portée de canons et la réserve de poudre pouvait toujours s’embraser d’un tir bien ajusté.
    Junior juché sur son dos, Corneille se dirigea vers la plage au milieu des autres. L’eau lui arrivait jusqu’aux cuisses et la mer, agitée par la bataille, lui cognait les flancs. Junior était livide mais silencieux. Il avait tout d’abord refusé d’être porté, puis Corneille avait grondé :
    — C’est pas le moment ! Fais ce que je te dis ! Il y a trop de courant !
    Junior avait obéi et il fixait la ligne des oliviers en bordure de plage, songeant à sa mère. Comme elle, à présent, il savait l’odeur de la guerre. Il s’appliqua à faire

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