La parfaite Lumiere
glacée.
Plus d’agréable conversation.
Ils sont pareils aux clients
solitaires d’une auberge.
Une crise survient, et ils
appellent leur enfant.
Neuf fois sur dix, il ne vient
pas
Les servir.
Il se met en colère et les injurie,
Disant que mieux vaudrait mourir
Que s’attarder, indésirables, en
ce monde.
Les parents écoutent, le cœur
plein de rage.
Ils disent en pleurant :
Quand tu étais jeune,
Sans nous tu ne serais pas né,
Sans nous tu n’aurais pas
grandi.
Ah ! que nous... »
Jūrō s’interrompit et
rejeta le texte.
— Je... je ne peux pas. Qu’un
autre le lise.
Mais il n’y avait personne pour le
remplacer. Couchés sur le dos, sur le ventre, assis les jambes croisées, la
tête pendant entre les genoux, ils pleuraient comme des enfants perdus.
Au beau milieu de cette scène
invraisemblable survint Sasaki Kojirō.
Rouge averse de printemps
— Yajibei n’est pas là ?
demanda Kojirō d’une voix forte.
Les joueurs étaient si absorbés
par leur jeu, et les pleureurs par leurs souvenirs d’enfance, que nul ne
répondit. S’avançant vers Jūrō couché sur le dos, les bras sur les
yeux, Kojirō lui dit :
— ... Peut-on savoir ce qui
se passe ?
— Oh ! je ne savais pas
que c’était vous, monsieur.
En hâte on s’essuya les yeux et on
se moucha tandis que Jūrō et les autres se levaient et s’inclinaient
d’un air penaud devant leur instructeur.
— Vous pleurez ?
demanda-t-il.
— Euh, oui. Je veux
dire : non.
— Drôle de coco.
Tandis que les autres
s’écartaient, Jūrō se mit à raconter sa rencontre fortuite avec
Musashi, heureux d’avoir un sujet qui pût détourner l’attention de Kojirō
de l’état de la chambrée.
— Comme le patron est en
voyage, dit-il, nous ne savions pas quoi faire ; aussi Osugi a-t-elle
décidé d’aller vous trouver.
Les yeux de Kojirō
étincelèrent.
— Musashi loge dans une
auberge de Bakurōchō ?
— Il y logeait, mais
maintenant il habite chez Zushino Kōsuke.
— Curieuse coïncidence.
— Vraiment ?
— Il se trouve justement que
j’ai envoyé ma « Perche à sécher » à Zushino pour qu’il travaille
dessus. De fait, maintenant elle devrait être prête. Je suis venu par ici
aujourd’hui pour la reprendre.
— Vous êtes déjà allé
là-bas ?
— Pas encore. Je voulais
passer ici d’abord.
— Quelle chance ! Si
vous leur étiez tombé dessus à l’improviste, Musashi aurait risqué de vous
attaquer.
— Il ne me fait pas peur.
Mais comment puis-je m’entretenir avec la vieille dame, si elle n’est pas
là ?
— Elle ne doit pas être
encore arrivée à Isarago. Je vais envoyer un bon coursier pour la ramener.
Au conseil de guerre qui se tint
ce soir-là, Kojirō exprima l’opinion qu’il n’y avait pas de raison
d’attendre le retour de Yajibei. Lui-même servirait à Osugi de second pour lui
permettre enfin de prendre sa juste revanche. Jūrō et Koroku demandèrent
à les accompagner, plus pour l’honneur que pour les aider. Ils avaient beau
connaître Musashi de réputation, jamais ils n’eussent imaginé qu’il pût être un
rival pour leur brillant instructeur.
Mais on ne pouvait rien faire le
soir même. En dépit de tout son enthousiasme, Osugi était morte de fatigue et
se plaignait d’avoir mal au dos. Ils décidèrent de réaliser leur projet le lendemain
soir.
Le lendemain après-midi, Osugi
prit un bain froid, se noircit les dents et se teignit les cheveux. Au
crépuscule, elle se prépara pour le combat : d’abord, elle passa une robe
de dessous blanche qu’elle avait achetée pour se faire enterrer dedans, et
transportait partout avec elle depuis des années. Elle l’avait fait bénir à
tous les sanctuaires et temples qu’elle avait visités : au sanctuaire de
Sumiyoshi à Osaka, au sanctuaire d’Oyama Hachiman et au Kiyomizudera à Kyoto,
au temple de Kannon à Asakusa, et à des douzaines d’établissements religieux de
moindre importance en diverses régions du pays. Les empreintes sacrées
faisaient ressembler la robe à un kimono imprimé ; Osugi s’y sentait plus
en sécurité que dans une cotte de mailles.
Elle fourra soigneusement une
lettre à Matahachi dans la ceinture qui se trouvait sous son obi, avec une
copie du Sutra sur le grand amour des parents . Il y avait une seconde
lettre, qu’elle portait toujours dans une petite bourse ; on y
lisait : « Malgré mon âge, c’est devenu
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