La parfaite Lumiere
des
générations dans sa famille.
— ... Emmenez-moi là-bas,
ordonna-t-elle.
— Maintenant ?
— Bien sûr, maintenant.
— Je vous croyais très
patiente, mais... Pourquoi faut-il que vous y alliez maintenant ?
— Je suis toujours prête à
rencontrer Musashi, à tout instant. Si je me fais tuer, vous pourrez renvoyer
mon corps à ma famille, au Mimasaka.
— Ne pourriez-vous attendre
le retour du patron ? Si nous partons comme ça, tout ce que je récolterai
pour avoir trouvé Musashi, ça sera ma mise à la porte avec un coup de pied dans
le derrière.
— Mais Musashi risque de s’en
aller.
— Ne vous en faites pas
là-dessus. J’ai envoyé un homme pour garder un œil sur l’endroit.
— Pouvez-vous me garantir que
Musashi ne s’en ira pas ?
— Quoi ? Je vous rends
un service et vous voulez me lier par des obligations ! Bon, très bien. Je
vous le garantis. Formellement. Dites donc, grand-mère, c’est le moment où vous
devriez vous détendre, vous asseoir pour copier des sutras ou quelque chose de
ce genre.
— Où est Yajibei ?
— En voyage à Chichibu avec
son groupe religieux. Je ne sais pas au juste quand il rentrera.
— Je n’ai pas le temps
d’attendre.
— Dans ce cas, pourquoi ne
pas faire venir Sasaki Kojirō ? Vous pourrez lui en parler.
Le lendemain matin, après avoir
pris contact avec son espion, Jūrō informa Osugi que Musashi avait
déménagé de l’auberge à la maison d’un polisseur de sabres.
— Vous voyez bien ! Je
vous l’avais dit, déclara Osugi. On ne peut espérer de lui qu’il se tienne
éternellement tranquille au même endroit. La prochaine fois, il sera encore
ailleurs.
Elle était assise à sa table à
écrire, mais n’avait pas écrit un mot de toute la matinée.
— Musashi ne va pas
s’envoler, lui assura Jūrō. Du calme. Koroku verra Kojirō
aujourd’hui.
— Aujourd’hui ? Vous
n’avez donc pas envoyé quelqu’un hier au soir ? Dites-moi où il habite.
J’irai moi-même.
Elle commença à se préparer pour
sortir ; mais Jūrō disparut soudain, et elle dut demander son
chemin à deux des autres acolytes. Ayant rarement quitté la maison depuis plus
de deux ans qu’elle séjournait à Edo, la ville lui était fort peu familière.
— Kojirō habite chez
Iwama Kakubei, lui répondit-on.
— Kakubei est un vassal des
Hosokawa, mais sa propre maison se trouve sur la grand-route de Takanawa.
— Elle est à peu près à
mi-pente de la colline d’Isarago. N’importe qui vous dira où ça se trouve.
— Si vous avez la moindre
difficulté, demandez Tsukinomisaki. C’est un autre nom pour désigner la colline
d’Isarago.
— La maison est facile à
reconnaître : le portail est peint en rouge vif.
— Très bien, j’ai compris,
dit Osugi avec impatience, irritée du sous-entendu qu’elle était gâteuse ou
stupide. Ça ne paraît pas compliqué ; aussi, je pars. Occupez-vous de tout
en mon absence. Attention au feu. Yajibei ne doit pas retrouver un tas de
cendre.
Ayant mis son zōri, elle vérifia que son petit sabre était bien à son côté, et s’éloigna au pas
militaire. Quelques minutes plus tard, Jūrō reparut et demanda où
elle se trouvait.
— Elle nous a demandé comment
aller chez Kakubei, et est partie seule.
— Ah ! eh bien,
qu’est-ce qu’on peut faire avec cette vieille tête de cochon ?
Et il cria en direction du local
des hommes :
— ... Koroku !
L’Acolyte abandonna son jeu de dés
pour accourir.
— ... Tu devais aller voir
Kojirō hier au soir, et puis tu y as renoncé. Et maintenant, regarde ce
qui est arrivé. La vieille y est allée elle-même.
— Et alors ?
— Quand le patron rentrera,
elle le lui rapportera.
— Tu as raison. Et avec la
langue qu’elle a, elle nous peindra sous de sales couleurs.
— Ouais. Si seulement elle
pouvait marcher comme elle parle !... Mais elle est aussi maigre qu’une
sauterelle. Si elle se fait renverser par un cheval, elle n’en réchappera pas.
Ça m’embête de te demander ça, mais tu ferais mieux de la suivre pour veiller à
ce qu’elle n’arrive pas là-bas en morceaux.
Koroku partit en courant, et Jūrō,
ruminant sur l’absurdité de toute chose, s’approcha d’un angle de la salle des
jeunes hommes. C’était une vaste pièce, d’environ neuf mètres sur douze. Une
natte mince, tissée fin, couvrait le sol ; une large gamme de sabres et
d’autres armes traînaient
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