La parfaite Lumiere
cria-t-il.
Sado se tourna vers lui et
s’inclina poliment pour un salut matinal.
— ... Toujours à
l’affût ? demanda Tadatoshi.
Surpris par la question, Sado se
contenta d’ouvrir de grands yeux.
— ... Je veux dire :
gardez-vous un œil sur Miyamoto Musashi ?
— Oui, messire, répondit Sado
en baissant les yeux.
— Si vous réussissez à le
trouver, amenez-le ici. Je veux voir à quoi il ressemble.
Peu après midi, ce même jour,
Kakubei aborda Tadatoshi au champ de tir à l’arc, et revint à la charge pour
lui recommander Kojirō. Tout en prenant son arc, le jeune seigneur
répondit doucement :
— Pardon, j’avais oublié.
Amenez-le quand vous voudrez. J’aimerais jeter un coup d’œil sur lui. Le faire
entrer ou non à mon service est une autre paire de manches, vous ne l’ignorez
pas.
Bourdonnements d’insectes
Assis dans une chambre du fond de
la maisonnette que lui avait prêtée Kakubei, Kojirō examinait la
« Perche à sécher ». Après l’incident avec Hōjō Shinzō,
il avait prié Kakubei d’insister pour que l’artisan lui rendît l’arme. Elle
était revenue ce matin-là.
« Elle ne sera pas polie,
bien sûr », avait prédit Kojirō ; mais en réalité, l’épée avait
été réparée avec une attention et un soin qui dépassaient ses espoirs les plus
fous. Du métal bleu-noir, ondoyant comme le courant d’un fleuve profond,
jaillissait maintenant un vif éclat blanc, la lumière des siècles passés. Les
taches de rouille, qui ressemblaient à des pustules de lèpre, avaient
disparu ; le dessin ondulant de la trempe, entre le bord de la lame et la
ligne faîtière, jusqu’alors maculé de sang, avait maintenant la beauté sereine
d’une lune brumeuse qui flotte dans le ciel.
« J’ai l’impression de la
voir pour la première fois », s’émerveilla Kojirō. Incapable de
détacher les yeux de l’épée, il n’entendit pas le visiteur qui l’appelait de la
façade :
— Vous êtes là ?...
Kojirō ?
Cette partie de la colline avait
reçu le nom de Tsukinomisaki, à cause de la vue magnifique qu’elle offrait sur
le lever de la lune. De son salon, Kojirō pouvait admirer le fragment de
la baie qui s’étendait entre Shiba et Shinagawa. De l’autre côté de la baie,
des nuages écumeux semblaient au même niveau que ses yeux. En cet instant, la
blancheur des collines lointaines et le bleu verdâtre de l’eau paraissaient se
confondre avec la lame.
— ... Kojirō ! Il
n’y a personne ?
Cette fois, la voix provenait de
la porte latérale envahie par l’herbe. Sortant de sa rêverie et remettant
l’épée au fourreau, il cria :
— Qui est là ? Je suis
dans le fond. Si vous voulez me voir, faites le tour jusqu’à la véranda.
— Ah ! vous voilà, dit
Osugi en regardant à l’intérieur de la maison.
— Eh bien, pour une surprise,
c’est une surprise ! s’exclama cordialement Kojirō. Qu’est-ce qui
vous amène, par cette chaleur ?
— Un instant. Que je me lave
les pieds. Après quoi, nous pourrons parler.
— Le puits est là-bas.
Attention. Il est très profond. Toi, mon garçon... accompagne-la, et veille à
ce qu’elle ne tombe pas dedans.
L’homme qu’il appelait « mon
garçon » était un membre de rang inférieur de la bande Hangawara que l’on
avait envoyé pour guider Osugi. Ayant lavé son visage en sueur et s’étant rincé
les pieds, elle entra dans la maison et échangea quelques salutations. Elle
sentit la brise agréable qui soufflait de la baie, regarda autour d’elle et
dit :
— Voilà une maison plaisante
et fraîche. Vous ne craignez pas de devenir paresseux, à loger dans un endroit
aussi confortable ?
— Je ne suis pas Matahachi,
répliqua en riant Kojirō.
La vieille femme cligna tristement
des yeux mais ignora la pointe.
— Je regrette de ne pas vous
avoir apporté de véritable présent, dit-elle. A la place, je vous donnerai un
sutra que j’ai copié.
En lui tendant le Sutra sur le
grand amour des parents, elle ajouta :
— ... Je vous en prie,
lisez-le quand vous aurez le temps.
Après avoir jeté un coup d’œil
poli à l’ouvrage d’Osugi, Kojirō se tourna vers son guide et lui
dit :
— A propos, avez-vous
placardé les inscriptions que j’ai rédigées pour vous ?
— Celles qui disent à Musashi
de sortir de sa cachette ?
— Oui, celles-là.
— Ça nous a pris deux jours
pleins mais nous en avons placardé une à
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