La parfaite Lumiere
Himeji pour s’y rendre.
— Il peut y aller par bateau.
Jōtarō secoua la tête.
— Je ne crois pas. Les daimyōs
de Himeji, d’Okayama et d’autres fiefs, le long de la mer Intérieure,
l’inviteront à passer la nuit. Ils veulent voir quel genre d’homme il est en
réalité, et le sonder pour savoir si un poste l’intéresse. Le seigneur Ikeda a
écrit à Takuan. Alors, il a enquêté au Myōshinji, et donné instruction aux
marchands de gros de sa région de signaler s’ils voient quelqu’un qui réponde à
la description de Musashi.
— Raison de plus pour
supposer qu’il n’ira pas par terre. Il ne hait rien tant que les cérémonies.
S’il est au courant, il fera de son mieux pour les éviter.
Otsū paraissait déprimée,
comme si elle avait soudain perdu tout espoir.
— ... Qu’en penses-tu,
Jōtarō ? demanda-t-elle d’un ton plaintif. Si j’allais au Myōshinji,
crois-tu que je pourrais découvrir quelque chose ?
— Mon Dieu, peut-être, mais
il faut vous rappeler que ce ne sont là que des bruits.
— Pourtant, il doit bien y
avoir quelque chose là-dessous, tu ne crois pas ?
— Vous avez envie d’aller à
Kyoto ?
— Oh ! oui. J’aimerais
partir tout de suite... Eh bien, demain.
— Ne soyez pas si pressée.
Voilà pourquoi vous manquez toujours Musashi. Dès l’instant où vous entendez
une rumeur, vous l’admettez comme un fait et vous élancez. Si vous voulez
repérer un rossignol, il faut regarder en un point situé devant l’endroit d’où
vient sa voix. J’ai l’impression que vous êtes toujours à la remorque de
Musashi, au lieu de prévoir où il peut se trouver ensuite.
— Eh bien, c’est possible,
mais l’amour est illogique.
N’ayant pas pris le temps de
réfléchir à ce qu’elle disait, elle eut la surprise de voir s’empourprer le
visage du jeune homme à la mention du mot « amour ». Elle se
ressaisit vite, et reprit :
— ... Merci du conseil. J’y
penserai.
— Faites-le, mais d’ici là
revenez à Himeji avec moi.
— Très bien.
— Je veux que vous veniez
chez nous.
Otsū gardait le silence.
— ... D’après ce que dit mon
père, je devine qu’il vous connaissait assez bien avant votre départ du Shippōji...
Je ne sais pas ce qu’il a en tête, mais il a déclaré qu’il aimerait vous revoir
une fois pour causer avec vous.
La chandelle menaçait de
s’éteindre. Otsū se détourna et regarda le ciel, sous l’auvent délabré.
— La pluie, dit-elle.
— La pluie ? Et demain,
nous devons gagner à pied Himeji.
— Qu’est-ce qu’une averse
d’automne ? Nous mettrons des chapeaux de pluie.
— J’aimerais mieux qu’il fît
beau.
Ils fermèrent les volets de
bois ; dans la chambre, il fit bientôt très chaud et humide.
Jōtarō avait une conscience aiguë du parfum féminin d’Otsū.
— ... Couchez-vous,
déclara-t-il. Je dormirai par ici.
Il disposa un oreiller sous la
fenêtre, et s’étendit sur le côté, face au mur.
— ... Vous ne dormez pas
encore ? grommelait Jōtarō. Il faut vous coucher.
Il tira au-dessus de sa tête les
minces couvertures, mais remua et se retourna encore un moment avant de sombrer
dans un profond assoupissement.
La miséricorde de Kannon
Otsū, assise, écoutait l’eau
dégoutter d’une fuite du toit. Poussée par le vent, la pluie entrait en rafales
sous l’auvent, et fouettait les volets. Mais c’était l’imprévisible
automne : il se pouvait que le matin se levât éclatant.
Alors, Otsū pensa à
Osugi : « Je me demande si elle est dehors par cette tempête, toute
mouillée et transie. Elle est vieille. Elle risque de ne pas durer jusqu’au
matin. Et même, des jours peuvent s’écouler avant qu’on ne la trouve. Elle
risque de mourir de faim. »
— Jōtarō,
appela-t-elle doucement. Réveille-toi. Elle avait peur qu’il n’eût commis
quelque chose de cruel : elle l’avait entendu dire aux acolytes de la
vieille femme qu’il la punissait, et il avait fait en passant une remarque
similaire sur le chemin de l’auberge. « Elle n’est pas vraiment mauvaise,
au fond, pensait-elle. Si je suis honnête avec elle, un de ces jours elle me comprendra...
Il faut que j’aille à sa recherche. »
En songeant : « Si
Jōtarō se met en colère, je ne pourrai rien », elle ouvrit un
volet. Sur les ténèbres du ciel, la pluie paraissait blanche. Ayant retroussé
ses jupes, Otsū prit au mur un chapeau de
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