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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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je... je voulais dire... J’ai été
surpris... parce que les quelques femmes peintres que je connais ne
sont pas aussi jolies que toi.
     Oui,
oui. Jolie égale idiote. Intelligente égale moche.
     Excuse.
Je ne voulais pas dire ça. Je regrette mon rire. C'était
idiot de ma part.
     Ça,
pour être idiot, c'était idiot. Enfin, il n'y a pas
besoin d'être très intelligent pour faire de la
peinture, c'est connu.
    Adolf
demeura sans voix. Jamais une femme ne s'était montrée
aussi insolente avec lui et, loin de l'agacer, cela l'excitait... Il
ne s'ennuyait pas avec Onze-heures-trente.
     Pourquoi
t'appelles-tu Onze-heures-trente ?
     Et
voilà une question idiote ! Adolf, tu baisses, tu rampes, tu
te spécialises dans l'infirmité mentale ! Respire,
reprends de l'altitude, mon grand. Est-ce que je te demande pourquoi
tu t'appelles Adolf, moi ? Non.
     Je
m'appelle Adolf parce que ma mère m'a appelé Adolf.
     Moi,
je me suis baptisée Onze-heures-trente. Je suis la mère
de mon nom.
     Et
avant ?
     Mon
premier nom ? Si je voulais qu'on le connaisse, je l'aurais gardé.
     Pourquoi
Onze-heures-trente ?
     Plus
tard, tu comprendras pourquoi.
    Elle
frémit.
     S'il
te plaît. On avait dit qu'on se donnerait une ou deux heures.
Les deux heures où Adolf et Onze-heures-trente s'aimaient,
mais n'avaient pas encore fait l'amour.
     Viens
voir ma peinture.
    Il la
prit par la main et se pressa en direction son atelier. Il s'arrêta
brusquement.
     Ou
alors, nous allons voir tes œuvres à toi.
     Les
miennes ? balbutia Onze-heures-trente.
     Oui.
Montre-les-moi.
    Onze-heures-trente
dégagea sa main et se mît à brailler
sur Adolf.
     C'est
un peu fort ça ! On ne croyait pas il y une minute que j'étais
peintre et maintenant on veut voir mes œuvres ! Tu te retournes
trop vite, mon coco je ne suis pas une femme comme ça. Je n'ai
pas encore eu le temps d'oublier l'offense.
    Puis,
elle ajouta avec un filet de voix :
     En
fait, je débute, j'ai des idées mais je n'ai presque
rien à te montrer.
    Adolf
l'embrassa sur les deux joues. Elle marmonna pour elle-même :
     C'est
vrai, quoi, je n'ai que vingt ans.
    Elle
releva la tête pour lui demander avec passion :
     Au
fait, tu as quel âge ? Cela fait des mois que je me le demande.
     Trente
et un ans.
    Elle
siffla d'admiration.
Trente
et un ans. C'est excitant comme tout, ça ! Alors, si je m'y
prends bien, je t'aurai encore dans mes bras quand tu auras quarante
ans ?
     Pour
l'instant, je n'y suis toujours pas dans tes bras.
     Minute
! Donc je t'aurai aussi à quarante ans. Non, c'est important,
tu comprends, parce que, pour moi, c'est à quarante ans qu'un
homme est le plus beau.
     Qu'est-ce
que tu en sais ?
     Je
le sais, c'est tout, coupa-t-elle d'une voix sèche.
Et puis ne te plains pas de mes lubies parce que j'ai des copines de
mon âge, vois-tu, qui te trouveraient déjà un peu
trop mûr pour elles. Mûr voir blet.
     Blet
?
     P ourri
quoi ! Tombé au pied de l'arbre. Même plus bon à
ramasser.
    Elle
réfléchit, souffla sur sa mèche qui, dans
l'instant, l'aveugla de nouveau.
     Pourquoi
ne coupes-tu pas ta mèche ?
     Qu'est-ce
qu'il y a ? Tu ne l'aimes pas ?
     Si,
si. Je... t'apprécie comme tu es. Mais cette mèche a
l'air de te gêner pour voir à droite.
     Qui
t'a dit ça ? Et pourquoi supposes-tu que je veux voir à
droite ?
     Rien.
Mais tu souffles toujours dessus pour l’écarter.
     Et
pourquoi est-ce que ce ne serait pas souffler que j'aime, plutôt
que voir ? Tu es vraiment bizarre comme Boche.
    Elle
le regarda avec attention.
     Tu
as de belles narines. On va voir tes peintures ?
    En
montant l'escalier qui conduisait chez lui, Adolf espérait que
Neumann avait eu le bon goût de leur laisser l'appartement.
    Effectivement,
sur le sol de l'entrée, gisait un mot indiquant que ce soir
Neumann resterait chez Brigitte, sa maîtresse du moment, qui
avait été celle d'Adolf quelques jours auparavant car,
souvent, les conquêtes d'Adolf finissaient dans les bras de
Neumann qui était beaucoup plus beau qu'Adolf mais assez
piètre dragueur.
    Onze-heures-trente
reconnut tout de suite parmi les nombreuses toiles échouées
contre les murs celles qui avaient été peintes par
Adolf. Elle les contempla un long moment de ses petits yeux ronds
grands ouverts. Il apprécia son silence. Pour lui, rien
n'était plus décourageant que les compliments
immédiats. Il avait la prétention

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