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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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Mimilein,
je vous aime trop. Il n'est pas possible d'aimer autant. Je vais
mourir d'amour.
    Les
heures champêtres passées à badiner avec Mimi devenaient
un cauchemar, il sentait le piège se refermer sur lui.
    Un
après-midi, quand Mimi fit semblant de trébucher pour
se retenir à son bras, il décida de jouer une nouvelle
partie.
     Mimi,
je vous aime trop. Je sais que vous êtes la femme de ma vie,
qu'il faut que je vous épouse, mais je ne me sens pas encore
prêt.
    Il
la repoussa, s'accrocha à un arbre comme s'il s'était
agi d'une bouée, et continua avec désespoir :
     Je
ne veux pas abuser de vous, mon enfant. Je dois rentrer à
Vienne, réfléchir. Vous comprenez : c'est un engagement
très grave.
    Elle
voulut protester. Il l'interrompit :
     Non,
ne me donnez pas votre réponse. Vous me la donnerez, quelle
qu'elle soit, quand j'aurai le courage de vous la demander.
    Il
revint vers elle, lui saisit la main, et tous deux se mirent à
pleurer d'émotion et de frustration.
    Hitler
repartit, soulagé, à Munich. Il avait, une nouvelle
fois, réussi à ajourner la confrontation sexuelle
    Dans
le tourbillon de sa rentrée politique, il n'oublia pas Mimi,
mais parvint à se reconstruire d'elle une image qui ne le
dérangeait pas. Un souvenir ne vous demande pas de passer au
lit. Il se laissa donc aller à parler de Mimi à ses
proches, allant même jusqu'à la définir comme sa
fiancée, vivant dans une douce intimité, non contredite
car lointaine, avec elle.
    Aussi
l'accueillit-il bras ouverts et yeux humides .qu'elle profita de la
venue de son club de patinage à Munich pour le retrouver. Il
l'emmena au café Heck, son quartier général, et
lui parla avec tendresse.
     Je
vais trouver un appartement plus grand. Nous vivre ensemble. Nous
serons si heureux. Vous resterez avec moi pour toujours.
     Pour
toujours, monsieur Loup.
    Ils
rirent. Elle aimait l'appeler monsieur Loup, le nom qu'il employait
lorsqu'il voyageait incognito.
     Nous
choisirons chaque objet ensemble, ma petite princesse, peintures,
fauteuils, tableaux. Tiens, je les vois déjà : des
grands et beaux fauteuils de salon recouverts de peluche violette.
     De
peluche violette ?
     Vous
n'aimez pas ?
     J'adore.
Et nous marquerons sur la boîte aux lettres : « Monsieur
et madame Loup. Attention : bonheur. »
    Ce
soir-là, Hitler la sentit suffisamment comblée pour ne
pas exiger une consommation concrète, et il la renvoya,
épanouie, à Berchtesgaden.
    Il
lui avait juré de la rejoindre deux semaines plus tard.
    Il
ne s'y rendit pas.
    Trois
mois plus tard, elle se pendait. Désespérée de
n'avoir aucune nouvelle, de ne recevoir aucune réponse à
ses lettres ni à ses coups de téléphone, elle
alla chercher une corde à linge, fit un nœud coulant et
se laissa glisser dans le vide. Son beau-frère arriva à
temps pour la décrocher, inanimée, et la faire revenir
à la vie.
    Craignant
une récidive, il partit secrètement à Munich
pour obtenir des explications d'Hitler.
    Hitler
connaissait déjà cette tentative de suicide et enferma
dans une salle du café Heck pour tout lui expliquer.
     J'ai
reçu des lettres anonymes. On m'a menacé de révéler
à la presse que j'aurais détourné une mineure.
J'ai dû mettre fin à ces ragots. J'ai préféré
m'enfermer dans un silence cruel plutôt que de compromettre
Mimi et l'avenir de Mimi. Croyez bien je souffre autant qu'elle.
     Comptez-vous...
je veux dire... est-il vrai que vous lui avez proposé de
l'épouser ?
     Je
n'ai que des sentiments paternels pour elle.
     Pourtant
elle prétend...
     Je
crois qu'elle a rêvé. C'est de son âge, non ?
    Le
beau-frère partit rassuré pour Berchtesgaden ; il avait
assez d'éléments pour consoler Mimi et en même
temps lui conseiller de passer à autre chose.
    Ce
qu'Hitler n'avait pas révélé, c'est qu'il était
lui-même à l'origine des lettres anonymes. Il avait fait
en sorte qu'une de ses mères, Hélène Bechstein,
le soufflât à l'oreille de la plus jalouse, Carola
Hofmann, la veuve du directeur scolaire, afin que celle-ci se
répandît en courriers et menaces anonymes pour empêcher
Hitler d'aller plus avant.
    Il
était particulièrement satisfait du stratagème. Il avait
dû se retirer de cette aventure par scrupule politique. Pour
l'Allemagne, en quelque sorte. Il avait enfin trouvé une
nouvelle excuse pour rester chaste.
    Il
était d'autant plus satisfait qu'il allait tout de même
prendre bientôt un

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