La Part De L'Autre
grand appartement luxueux où il
vivrait avec une très jeune femme.
Il
emménageait avec sa nièce, Geli Raubal, qui était
aussi jeune et jolie que Mimi, beaucoup plus bavarde, et donc
considérablement moins ennuyeuse.
Il
vivrait avec une jeune fille de vingt ans au vu et au su de tous,
sans subir l'angoisse débilitante de devoir l'honorer
sexuellement, et sans non plus que cette vieille salope d'Hofmann, ou
quelqu'une des autres antiques toupies, ait rien à critiquer.
«L'école
de Paris existe. Plus tard, les historiens d’art pourront,
mieux que nous, en définir le caractère et étudier
les éléments qui la composent mais nous pouvons déjà
affirmer son existence et sa force attractive qui a fait ou fait
venir chez nous les artistes du monde entier. Modigliani, Van Dongen,
Foujita, Soutine, Chagall, Kisling, Adolf H., la liste est longue et
très brillante. Peut-on considérer comme indésirable
l’artiste pour qui Paris est la Terre promise, la terre bénie
des peintres et des sculpteurs ?
ANDRÉ
WARNOD. »
Pas
mal non ? fit Onze-heures-trente. Ça a de la gueule, cet
article.
Adolf,
trop occupé à réussir son nœud papillon
au-dessus de son nouveau costume de soirée, l’écoutait
à peine. Il connaissait déjà l'article par cœur.
Onze-heures-trente
fouilla encore dans les monceaux de papiers et pécha une revue
du bout des doigts.
Attends.
Je te lis ma chronique préférée. C'est un
chef-d'œuvre. « L'esprit juif continue son travail de
sape et affirme insidieusement son internationalisme délétère.
Après le "Kubisme", l'art boche, qui encombra les
premières années du siècle, voici la prétendue
école de Paris, cette cohorte de jeunes indésirables,
ignares et turbulents, qui ont colonisé le quartier de
Montparnasse et tiennent leurs assises dans un café aussi
fameux que fumeux, La Rotonde, ancien lieu parisien devenu un
véritable salon de youpins et de métèques. Ils
défendent un art qui n'a rien à voir avec l'origine
nationale, un art ni français ni allemand, ni slave, ni
espagnol, ni roumain, bref, un art juif. Le sens local, l'esprit
local, le sujet local, la couleur locale souffrent par eux d'une
décadence si certain qu’ils parlent d'un art
international. Comment ne pas être effrayé de voir
toutes les frontières et les limites se dissoudre ? Avez-vous
vu les œuvres d'un Soutine, d'un Pascin ou d'un Adolf H. ?
D'une médiocrité évidente, de coloris sales et
d'une pauvreté de matière antifrançaise,
tristes, scatologiques, anatomiques, elles sont fondées sur
des réflexions doctrinales donc anti-artistiques. Le jour où
la peinture est devenue une science spéculative, le Juif a pu
en faire. Les calligraphes du Talmud achètent toiles et
couleurs. Jusque-là, ils n'étaient que marchands ;
désormais ils se croient créateurs. En réalité,
le peuple déicide est aussi un peuple articide. Il... »
Arrête,
Onze, sinon je te lave la bouche an savon.
Mais
non, tu dois être fier. Te faire traiter de Juif, c'est la
preuve que tu as réussi. Moi, je suis très satisfaite
de voir les crétins te cracher dessus.
Est-ce
que tu es habillée ?
Tu
parles, si je suis prête ! Je me prépare depuis ce
matin. Je me suis déjà changée quinze fois. Je
ne suis toujours pas convaincue d'avoir trouvé la bonne robe,
mais j'arrête uniquement par fatigue.
Adolf
constata qu'Onze-heures-trente était plutôt belle dans
une robe de soie chair rehaussée de broderies à la
russe.
Oh
! Adolf, tu ne me regardes pas, tu me vérifies !
Pas
du tout. Tu es à croquer.
Alors,
ne te gêne pas.
Nous
n'avons pas le temps.
Bah,
on manquera le premier morceau. De toute façon, les
hors-d'œuvre sont toujours un peu languissants aux Ballets
russes.
Impossible.
Je ne peux pas faire ça à Diaghilev. Allons-y.
Onze-heures-trente
obéit et suivit son amant jusqu’a la Bugatti.
Depuis
qu'Adolf H. avait été lancé par les surréalistes
ses toiles se vendaient, les prix montaient, l’argent affluait
avec la renommée.
Ce
n'est pas tout, le savoir-faire. Encore faut-il le faire savoir,
disait souvent Onze-heures-trente.
La
peinture d'Adolf H. n'avait pas changé, elle était la
même depuis 1918, mais à présent on se
l'arrachait, La propagande du Fakir avait créé un
intérêt nouveau, vite relayé par les marchands,
tels Rosenberg et Kahnweiler, qui vendirent ces œuvres à
de riches amateurs américains, Gertrude Stein,
Weitere Kostenlose Bücher