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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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urgente à faire.
     Mais
où vas-tu ?
     Il
faut que j'y aille.
     Adolf
! Reviens !
     Une
course. C'est pour elle.
    Adolf
courait sur les trottoirs gris. Le vent glacé n'arrêtait
pas ses larmes. Il sentait trop de vie, trop de force en lui, quelque
chose d'inépuisable et d'inutile qu'il aurait voulu donner à
Onze.
    Arrivé
rue Desbordes-Valmore, il s'engouffra au 12 et gravit les étages.
Il sonna plusieurs fois avec angoisse, ne laissant pas la sonnerie
reprendre son souffle.
    Lars
Ekström, en robe de chambre, ouvrit enfin la porte. Il recula de
peur lorsqu'il vit Adolf sur son palier mais celui-ci l'attrapa par
le bras en le suppliant.
     Venez.
Onze va mourir. Je souhaite que vous soyez aussi à son chevet.
     Mais...
     Non,
je ne vous en veux pas. Elle vous a aimé. Il serait bien que,
pour sa dernière heure, elle ait auprès d'elle les deux
hommes qui l'ont tenue dans leurs bras.
     Mais...
    Adolf
regarda les beaux pieds nus et suppliciés du danseur. «
Qu'il est bête, songea-t-il en voyant ses pieds... mais peu
importe. Onze l'aime. »
    Un
jeune homme nu, une serviette-éponge autour des reins, arriva
dans le dos de Lars Ekström et demanda d'une voix ensommeillée
:
     Qu'est-ce
qui se passe ?
     Rien,
dit le danseur, c'est le mari d'une amie. Retourne te coucher.
    L'éphèbe
disparut.
     Vous
vous trompez, dit Lars Ekström, je n'ai jamais été
l'amant de votre femme. Elle m'avait demandé de vous le faire
croire pour...
     Pour
?
     Pour
vous rendre jaloux.
    Adolf
s'abattit contre le mur. Il manquait d'air. Non pas ça. Pas
deux fois. Il y avait eu deux mensonges dans la vie d'Onze. Faire
croire qu'elle avait connu beaucoup d'hommes pour qu'Adolf n'eût
pas peur de sa virginité. Puis le persuader qu'elle le
trompait afin qu’il se
réveillât de son indifférence. Alors... il était
le seul ? Le seul homme de son existence ? Onze...
     Ça
ne va pas ? Vous voulez boire quelque chose ? Entrez...
    Adolf
dévala l'escalier et courut comme un dératé
Onze... il ne devait pas perdre une minute. Il avait peur d'elle
désormais. Onze. Tant d'amour depuis toujours. Tant de
fidélité... Tant... Non, on n'avait pas le droit de lui
enlever ça.
    Il
déboula dans la chambre sombre et s'affala sur le lit, baisant
éperdument les minuscules mains moites.
     Onze...
mon petit amour...
     Eh
bien, où t'étais, mon Boche ? Je m'inquiétais.
     Je...
je viens d'apprendre par Lars que...
     Laisse
tomber. Réchauffe-moi.
    Il
prit Onze contre lui ; elle ne pesait rien, il ne retrouvait aucune
des sensations qu'il avait tant de fois éprouvées.
Elle, au contraire, se frottait contre lui en femme amoureuse,
appréciant toujours ce corps qu'elle adorait.
     On
s'est bien marré, non ?
     De
quoi tu parles ? Pourquoi parles-tu au passé ?
     Arrête.
Je sais.
    Elle
toussa et répéta, négligeant l'interruption :
     On
s'est bien marré, non ?
    Dévasté
par l'émotion, Adolf eut du mal à articuler
distinctement :
     Oui.
On s'est bien marré.
    Il
n'osait plus la regarder, il n'osait pas la serrer trop fort contre
lui, il avait peur de la broyer.
     Mon
Boche, il faut penser à l'avenir. Une comme moi, tu n'en
trouveras plus.
     Onze...
tais-toi.
     Je
me tairai si je veux ! dit-elle avec une irritation dont elle n'avait
plus les moyens physiques et qui provoqua une toux de plusieurs
minutes.
    Dans
la pénombre, Adolf, tout à ce petit corps secoué
dans ses bras, craignait à chaque instant que je fil de vie ne
se brisât.
     Je
ne te contrarie plus, Onze. Dis-moi ce que tu voulais me dire.
    Elle
reprit difficilement son souffle. Ses yeux étaient exorbités.
     Voilà.
Je ne veux pas que tu te laisses aller. Tu dois peindre, tu dois
vivre.
     Mais
comment ? Pas sans toi.
     Regarde
derrière le lit.
    Adolf
ne comprenait pas. Onze insista sur le souffle usé de sa voix
:
     Lâche-moi
et regarde derrière le lit.
    Neumann
augmenta l'éclairage de la veilleuse. Adolf contourna le haut
lit aux lourds rideaux et découvrit, pâle, inquiète,
bouleversée, Sarah Rubinstein appuyée contre le mur
bleu.
     Sarah ?
     Après
moi, c'est ce que tu peux trouver de mieux, dit Onze. Je l'ai fait
venir pour ça. Evidemment, elle est pas d'accord mais tu lui
feras un peu de charme. Je compte sur toi.
    Adolf
s'approcha de Sarah qu'il n'avait jamais retrouvée depuis leur
séparation. Elle détourna les yeux vers le mince filet
de lumière qui filtrait des

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