La Part De L'Autre
pour un Juif d'origine
tchèque et sa fiche de prostituée à Berlin.
Hitler
se délecta du rôle qu'il dut jouer. Il fut grandiose. Il
prétendit ne pas avoir fermé l'œil de la nuit,
arpentant sa chambre, les mains dans le dos en soupirant : « Si
un général allemand épouse une putain, alors
tout est possible ! »
et fit même courir le bruit par les domestiques qu'il avait
pris sept bains pour se laver de la
souillure d'avoir baisé la main de la générale
Blomberg. Il joua aussi le désespoir, le déshonneur :
« J'ai
été témoin au mariage d'une putain. »
Puis, la tristesse et le chagrin pour son ami Blomberg : « Il
va se suicider, c'est certain, quand il saura qui est sa femme,
comment il a été trompé, dans quelle position il
met le plus haut commandement du Reich, il va se tuer d'une balle de
revolver, c'est la seule solution. Quel triste gâchis !»
Quand il en eut assez fait pour que le mode d'emploi fût clair
à chacun, il dépêcha Göring chez Blomberg,
pensant que le suicide aurait lieu dans la soirée.
A
sa grande surprise, il vit débarquer Blomberg sain et sauf le
lendemain. Il fut contraint de le recevoir en audience.
Je
savais qui j'épousais, mon Führer, mais ma passion était
trop forte. Elle l'est toujours. Je ne peux pas me séparer de
cette femme. J'en suis fou. Je donne ma démission. Je pars en
Italie.
Hitler
fut admirable dans le rôle de l'homme qui comprenait les
tourments de l'amour. Il assura au général que sa
démission ne serait que provisoire ; dès que l'affaire
serait oubliée, il retrouverait son poste ; comme preuve de
son amitié, il lui offrit même cinquante mille marks et
l'intégralité de sa retraite de général.
Blomberg quitta la chancellerie sans avoir soupçonné
une seconde avoir été manœuvré.
L'affaire
Fritsch, chef de l'armée de terre, fut elle aussi rondement
menée. Himmler présenta un dossier insinuant qu'un
jeune prostitué berlinois, Otto, faisait chanter le général
von Fritsch en alléguant des aventures homosexuelles en 1933.
Hitler, encore une fois, fit celui qui refusait d'y croire. Fritsch,
averti, voulut se justifier et obtint une entrevue dans la
bibliothèque d'Hitler. Partant du principe qu'il n'y avait pas
de fumée sans feu, il avait beaucoup réfléchi et
fouille son passé. Le prostitué Otto devait sans doute
parler, en les salissant, des relations privilégiées
qu'avait eues le général en 1933 avec un membre des
Jeunesses hitlériennes. Sa défense eut un effet
désastreux. On fit venir Otto, le prostitué, dans la
bibliothèque qui versa, ainsi qu’on l’avait payé
pour le faire, un flot d’insanités sur le chef de
l'armée de terre et son prétendu mignon de l'époque.
Qui crut-on, de l'homme respectable ou du mercenaire du sexe sorti de
prison pour un soir ? Fritsch démissionna et Hitler se vit
obligé de restructurer la tête des armées : afin,
d'éviter tout nouveau scandale, pour échapper à une
crise ouverte, il prenait lui-même la direction de la Wehrmacht
et ne nommait aucun successeur au ministère de la Guerre.
A
présent, l'armée était émasculée,
plus personne ne pouvait le freiner par des conseils de prudence,
Hitler avait donc les mains libres.
Et
il se sentait justement des démangeaisons d'agir...
L'étudiant
l'attendait dans la cour.
— Je
ne suis pas d'accord avec vous, monsieur H.
Adolf
H. ne comprit pas immédiatement qu'on lui parlait. Il
contemplait. Il ne savait pas ce qu'il devait admirer le plus,
l'étudiant blond au teint presque irréel comme en
peignait quatre cents ans auparavant Raphaël, ou bien le
cerisier du Japon, unique arbre qui sortait du goudron, éclaboussant
le jour avec ses milliers de fleurs roses.
L'étudiant,
plein de ce qu'il avait à dire depuis plusieurs jours, ne se
laissa pas démonter par l'apparente impassibilité de
son professeur.
Pourquoi
dites-vous que vous êtes un peintre médiocre ? Etes-vous
le bon juge ? Qui vous autorise ?
Adolf
sursauta devant l'emportement du jeune homme.
Heinrich,
qu'est-ce qui vous prend ?
J'ai
été révolté par votre... confession,
l'autre jour. A la différence de mes camarades, moi j'ai eu le
privilège de voir vos tableaux.
Où
ça ? demanda Adolf, agressif, comme si on lui annonçait
qu'on avait fouillé dans ses affaires intimes.
— A
Paris, chez le comte de Beaumont. Il en possède trois. J'ai
été très impressionné par ces toiles —
indépendamment du fait qu'elles
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