La Part De L'Autre
d'arriver à la solution finale :
l'extermination définitive de tous les rats du front.
Ce
jour-là, Hitler s'apprêtait à reprendre son
service. Lui et Foxl, après un bon après-midi de
chasse, couraient la tranchée qui les reconduisait au premier
poste de commandement lorsqu'un tintement de boîte de conserve
les fit s'arrêter.
Un
rat bondissait d'un remblai, traînant après lui un piège
d'acier qui l'avait blessé sans l'achever. Il s'enfuyait vers
l'ennemi dans un grand vacarme affolé. Foxl sauta hors du
boyau et pista la proie.
Foxl,
ici ! Foxl, reviens !
Le
rat, ivre de rage et de douleur, courait dans tous les sens, emmenant
Foxl dans son délire.
Foxl,
au pied ! Foxl, ici !
Un
coup de feu retentit. Foxl eut un jappement de surprise et s'abattit
sur le côté.
Le
rat continua seul à détaler
entre les lignes françaises et allemandes.
Foxl !
Hitler
passa la tête hors de la tranchée pour voir ce qui était
arrivé à son
chien. Deux balles firent alors éclater le sac de terre
voisin, manquant son crâne de peu. L'ennemi lui tirait dessus.
Salauds
! Salauds !
Il
se recroquevilla dans le boyau. Il entendait son chien gémir.
Foxl était blessé. C'était insupportable. Il
fallait faire quelque chose. Mais quoi ? La nuit tombait. Il mit son
casque au bout de son fusil pour vérifier que l'ennemi le
guettait toujours et il le monta au-dessus de lui. Une balle vint
dans la seconde se ficher dans le métal.
Salauds
!
L'obscurité
s'était faite. La première fusée éclairante
s'épanouit au ciel et, de son parachute de soie, envoya sa
lumière verte, signe de reprise du combat.
Le
bombardement commença.
Les
ténèbres devinrent folles. Ce fut un déchaînement.
Une frénésie.
Hitler
ne bougeait pas.
Toute
l'artillerie allemande s'était déployée autour
de lui. On tirait. On mitraillait. On hurlait. On tombait. Hitler se
sentait incapable de rejoindre son poste Dans les rémissions
du feu, il entendait Foxl gémir. Il était paralysé
par la douleur de son chien.
Salauds,
bande de salauds, murmurait-il entre ses dents.
Au
milieu de la nuit, les cris de Foxl changèrent. Il hurlait à
la mort. Il avait compris qu'il allait agoniser, seul, cette nuit,
sous le ciel déchiré par l'acier et le feu.
Hitler
pleurait. Il n'osait même pas appeler son chien, il préférait
que Foxl se crût seul, il préférait que la bête
ignorât que son maître, impuissant, se trouvait à
quelques mètres de lui, terré dans un trou.
Au
matin, la plainte se fit plus fine, plus aiguë, plus déchirante.
Foxl était sur le point de mourir mais appelait encore. Hitler
se mit les mains sur les oreilles.
Salauds
! Pas les animaux ! Les hommes autant que vous voulez, mais pas les
animaux !
Lorsque
le feu cessa à l'aube, il entendait encore un halètement
plaintif. Autour de lui, les brancardiers couraient en ramenant des
monceaux de blessés et de morts.
D
parvint à se redresser, prit son fusil, passa la tête
hors du trou pour localiser Foxl et tira.
La
plainte se tut enfin. Foxl était mort. La haine s'engouffra en
Hitler pour prendre la place du chagrin. Il se mit à vitupérer
contre l'ennemi :
Bande
de salauds ! Vous ne gagnerez jamais la guerre, vous m'entendez,
jamais ! L'Allemagne viendra boire votre sang, vous vous
agenouillerez devant elle, vous deviendrez nos esclaves, Paris sera
allemand ! Je vous hais ! Je vous hais. Je me vengerai et rien ne
sera assez fort pour ma vengeance. Je vous hais !
Salauds !
Puis
il se mit à tirer sans discernement sur les lignes françaises,
espérant toucher l'homme qui avait tué Foxl, sans
penser une seconde qu'il pût déjà être
mort.
Les
infirmiers durent se mobiliser à quatre pour le maîtriser
et le médecin-chef lui administra une piqûre de calmant.
Dorés
par un soleil languide, Adolf H., Bernstein et Neumann paressaient
auprès du baraquement de l'état-major. Cela sentait le
goudron, la sieste et la sueur des pieds.
Nous
allons perdre la guerre.
Neumann
venait de lire tous les journaux récupérés dans
les poubelles des officiers.
Nous
? s'exclama Bernstein. Je ne fais plus partie d'aucun « nous »,
à part « nous trois ». Pour moi, sortir de la
guerre vivant, c'est l'avoir gagnée. Si je reviens du front,
je vous préviens d'ailleurs que je ne serai plus autrichien,
ni même d'aucun pays. Apatride et pacifiste, voilà
comment je rentrerai.
Il
va falloir tenir encore quelques semaines,
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