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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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me gardez l’Académicien. Il plaît, avec son physique d’officier de l’armée des Indes. Et puis, il est polyglotte et d’excellente compagnie. Il sait se conduire avec les dames et a toujours quelque anecdote amusante à raconter.
    — Et les autres ?
    — Que voulez-vous que je vous dise ? Ils sont tous importants et recommandés...
    — Alors ?
    — Alors, choisissez les polyglottes ! Je ne veux plus faire de repas avec des gens qui ne peuvent rien se dire parce qu’ils ne parlent pas la même langue.
    — De ce côté-là, pas d’inquiétude. Notre clientèle est moderne, cultivée. Les artistes sont tous allés en Amérique.
    — Bon, ben... C’est tout ?
    — Et les vedettes, j’en fais quoi ? Elles aussi sont persuadées qu’elles seront en votre compagnie. Sans compter les sportifs ?
    — Eh bien, ils attendront. Vous les ajouterez au compte-gouttes sur les autres dîners. Gardez-moi aussi les deux jeunes femmes qu’on avait choisies sur le conseil de l’Académicien, il faut de la jeunesse et de la beauté.
    — Ça, mon commandant, ce sera plus difficile. Les grands patrons et personnes importantes sont rarement de la première jeunesse et, en plus, ils vont par deux. Pour des voyages comme celui-ci, ils emmènent leurs femmes. Et deux par deux, ça fait six couples. Douze. Pas un de plus. Je ne peux pas faire de miracles.
    — Vous y arriverez.
    — Peut-être, mais la prochaine fois.
    Le commandant commençait à s’impatienter. Heureusement, le téléphone sonna et le commissaire décrocha. C’était l’officier Vercors qui demandait à parler au commandant.
    — Dites-lui que j’arrive, il n’a qu’à m’attendre dans mon bureau.
    Puis, après avoir réfléchi, et quand le commissaire eut raccroché, il ajouta :
    — Tiens, mettez aussi l’officier Vercors. Il parle sept langues parfaitement. Avec l’Académicien il me sortira de tous les mauvais pas, s’il y en a.
    Sur ce, il partit sans attendre, évitant ainsi toute nouvelle suggestion, et le commissaire principal plia ses fiches.
    — Quel casse-tête ! Il annule, il rajoute, et moi je fais comment ? Je ne comprendrais jamais cette frénésie des clients à vouloir manger à sa table ! dit-il au jeune gradé. Il admet lui-même que c’est la plus ennuyeuse qui soit !
    — Alors pourquoi insistent-ils ? questionna naïvement le gradé.
    — Devine ! Tout simplement parce que ça fait bien d’en être. Ça veut dire aux yeux des autres qu’ils sont des gens importants.
    — C’est idiot. Surtout là. Ils sont tous riches. Ou célèbres.
    — Eh oui, mais c’est comme ça. Ils veulent être plus riches et plus célèbres que les autres.

 
    10
    Pendant que le personnel du navire s’activait au restaurant pour préparer la première grande soirée, dans le bureau du commandant un homme sentait son coeur battre de plus en plus fort.
    Au dernier moment l’officier Pierre Vercors n’était plus sûr de sa démarche. Mais c’était trop tard, le commandant entrait.
    — Alors, Vercors, vous vouliez me parler ?
    — Oui, mon commandant.
    — Que se passe-t-il de si urgent ?
    — Je voudrais prendre le quart pour l’arrivée à Southampton.
    Surpris, le commandant n’en laissa rien paraître.
    — Vous en avez parlé avec Monier ? C’est lui qui est au poste.
    — Oui, mon commandant. Si vous acceptez, lui est d’accord.
    — Bien...
    Visiblement, le commandant hésitait. Sauf cas exceptionnel, il n’était pas question d’accepter des changements de dernière minute. Seulement Vercors n’était pas un officier tout à fait comme les autres. Le commandant connaissait son histoire personnelle et il ne pouvait rejeter sa demande si facilement. Il essaya pourtant.
    — Les Anglais ne bougeront pas, dit-il. Il n’y aura rien de particulier, vous savez, ils ne fêteront pas la première arrivée du France si c’est ce que vous attendez.
    — Peut-être vont-ils nous faire mentir, sourit l’officier. Il y aura la fanfare, qui sait ? ajouta-t-il en forme de boutade pour dérider le commandant.
    — Pensez-vous ! fit ce dernier, surpris de ce ton plutôt joueur auquel il ne s’attendait pas. Ils sont très susceptibles sur les questions marines,
    Pierre Vercors ne cilla pas. Le commandant l’observait.
    — Vous le savez mieux que quiconque, ajouta-t-il alors.
    Visiblement il cherchait à faire réagir son officier, mais il lui fut impossible de déceler chez lui le signe

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