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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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effrayé à son tour qu’une pareille idée puisse germer dans le cerveau du commissaire. Le Champagne, dit-il, c’était pour fêter la première. Il n’y a pas eu d’abus, bien au contraire. J’y étais. Je suis sûr qu’il n’y a pas eu de bagarre. En revanche, il est possible qu’un des gars n’ait pas supporté l’alcool et qu’il ait dérapé. Les autres le protégeraient.
    — Déraper ! hurla le commissaire. Quelle hérésie ! On ne « dérape » pas sur le France. Notre passager a fait une crise cardiaque après la crise d’épilepsie. Vous imaginez le désastre pour la famille de cet homme, pour notre compagnie et surtout pour le France s’il était décédé à cause d’un dérapage !
    Francis aussi était catastrophé. Il ne comprenait pas pourquoi les hommes ne lui disaient rien.
    — Dans cette bordée il y a les meilleurs. Les plus sûrs. Ceux qu’on réserve pour les manoeuvres les plus sensibles. Southampton, c’était pour eux. Ils sont solides, calmes. Il faut chercher ailleurs.
    — Bon sang ! s’exclama le commissaire. Chercher, c’est bien beau, mais chercher qui ? On a autre chose à faire sur ce navire ! En tout cas, rien ne doit filtrer de ce qui s’est passé. Pour le France, ce serait très mauvais.
    — C’est sûr, ajouta Francis effrayé lui aussi à cette perspective. Il ne manquerait plus que ça. Mais... avec le nombre de journalistes présents, il ne faudrait pas qu’un fouineur veuille en savoir plus.
    — Pensez donc. Les journalistes sont comme les passagers, ils veulent fêter le France, pas l’enfoncer. Nos services de communication ont déjà mis en avant la première médicale. Un coup de génie ! Heureusement. Ça a passionné les journalistes et ils attendent le médecin pour l’interviewer. Pour aujourd’hui, ils ont ce qu’il faut à se mettre sous la dent et ils ne chercheront pas plus loin. Il ne faut rien ébruiter.
    — De notre côté, on ne risque pas de parler, voyez du vôtre ! conclut Francis en prenant la porte.
    Tout en rejoignant son bureau, le responsable syndical se sentait mal à l’aise. Même pour la bonne cause, il n’aimait pas discuter des hommes avec le commissaire. Il préférait régler les problèmes de son côté. Il n’avait pas parlé d’Andrei Nicolaï. Andrei n’appartenait à aucun syndicat, et, lors des embauches, Francis l’avait rayé des listes, il ne le sentait pas. Mais il avait fini par céder sur l’insistance forcenée de Gérard, un copain fiable et syndiqué depuis longtemps. Quelque chose chez Andrei laissait Francis sur ses gardes. Une fine cicatrice fendait la joue du Russe jusqu’à la lèvre supérieure. Quand on lui demandait d’où il la tenait, il éludait la question. Il avait un regard bleu acier et un visage coupé au couteau. Le genre de physique qui fascine et inquiète. Pourtant Francis le voyait mal « déraper ». Il le sentait beaucoup trop froid pour ça, trop maître de lui.
    — Tiens, se dit-il soudain, étonné de ne pas y avoir pensé avant. Je vais faire monter Gérard dans mon bureau. Avec lui je finirai bien par savoir quelque chose. C’est un fort en gueule mais ce n’est pas un dur. Je dois pouvoir le faire parler, il me doit l’embauche d’Andrei.
    — Claudine, dit-il d’une voix autoritaire à la secrétaire du bureau qu’il occupait sur le France, au titre de responsable syndical, appelez-moi Gérard à la bordée de nuit. Je veux lui parler.
    Claudine s’exécuta et Francis se cala dans son siège. Il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une satisfaction orgueilleuse d’avoir un bureau sur le France comme un membre de l’état-major. C’était la conquête du syndicat d’avoir obtenu ce bureau et ils en étaient légitimement fiers, tous.
    Cinq minutes après, Gérard arrivait, suivi d’Andrei.
    — Mais qu’est-ce que tu fais là, Andrei ? questionna Francis, ahuri de le voir entrer. Je veux voir Gérard, c’est tout.
    — Tu as voulu voir Gérard, tu aurais voulu en voir un autre, c’était pareil. Jusqu’à ce que cette affaire soit réglée, nous parlons ensemble.
    Francis accusa le coup.
    — Tiens, dit-il d’un ton acide, on m’avait laissé entendre que tu n’aimais pas les prises de position, ni les regroupements, ni la ligne des partis. Je croyais que tu étais un solitaire. Tu as changé d’avis, tu veux t’inscrire ?
    Andrei avait la capacité de passer à travers les agressions de tous ordres avec un calme

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