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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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idiotes qui n’ont jamais rien vu.
    — On ne sourit jamais assez, répliqua Sophie tout en s’essuyant le bout des lèvres sur la serviette de lin blanc. On nous traite comme des reines, autant montrer qu’on apprécie.
    — Comme des reines ! C’est vite dit, s’étrangla Béatrice tout en s’essuyant à son tour les lèvres avec délicatesse. Bien servies, c’est vrai, mais dans quelles conditions ! N’oublions pas qu’on s’est fait jeter de la salle.
    Qu’est-ce que tu crois ? En fait de dîner de reines, on nous fait manger comme le petit personnel. En cuisine.
    Mais Sophie ne l’écoutait pas. Elle venait de s’apercevoir qu’en s’essuyant les lèvres elles avaient taché leurs serviettes immaculées et brodées qui étaient maintenant pleines de traces de rouge à lèvres.
    — Mince, dit-elle, on a taché les serviettes !
    — Et alors, dit Béatrice, agacée. Les serviettes, c’est fait pour ça, non ?
    C’était évident et Sophie se trouva stupide.
    — Quelle humiliation, continua Béatrice, et ce maître d’hôtel qui ose nous dire que manger en cuisine c’est une faveur ! Quel toupet !
    Sophie n’était pas d’humeur à s’embêter pour rien, ni à râler comme Béatrice à cause de ce dîner raté.
    — On s’en moque de ce dîner, quelle importance ! dit-elle, cherchant à se convaincre elle-même. C’est fabuleux de manger ici. On assiste à tout, c’est un privilège. Le maître d’hôtel a raison, on a tout le temps d’aller dîner comme tout le monde dans la salle un autre soir.
    Béatrice bondit.
    — La salle Chambord est la salle de restaurant la plus prestigieuse au monde et toi tu t’émerveilles d’être en cuisine ! Mais à quoi penses-tu ? Tu ferais mieux de te demander pourquoi on n’y arrive jamais, à la salle Chambord. Je suis sûre que quelqu’un s’acharne contre nous.
    Contrairement à Béatrice qui se méfiait de tout, Sophie avait conservé une incroyable confiance en toutes choses, et elle gardait intacte sa capacité à l’émerveillement.
    — Tu as de ces idées ! dit-elle en levant les yeux au ciel. Qui veux-tu qui s’acharne ? Personne. C’est le hasard.
    — Le hasard a bon dos. Ce maître d’hôtel nous prend pour des gourdes, et je soupçonne l’Académicien de vouloir nous ridiculiser. Mais il a raté son coup, poursuivait Béatrice, grâce à cet officier qui s’est levé pour venir à nous. Ça, crois-moi, ça a dû leur en boucher un coin. Quelle allure ! En revanche, je suis incapable de me souvenir de ce qu’il nous a dit, j’étais dans tous mes états à cause de notre arrivée stupide. Au fait, tu le connaissais ?
    — Non.
    — Ah bon. Je pensais que c’était celui qui t’avait trouvée dans le petit salon et qu’il venait te saluer.
    Sophie avait répondu non sans réfléchir. Elle ne voulait pas parler de cet officier. Le net recul qu’il avait eu tout à l’heure quand elle avait agrippé son bras avait heureusement échappé à Béatrice.
    — En tout cas, reprit cette dernière, on a dû faire des envieuses parmi ces dames. Il faut voir comment elles le regardaient. Plus d’une aurait laissé sa place pour prendre la nôtre, quitte à aller ensuite dîner en cuisine. Qu’en dis-tu ?
    Pour toute réponse, Sophie haussa les épaules.

 
    31
    Au moment même où les invités quittaient la salle Chambord, s’éparpillant sur le navire plongé dans la nuit, Chantal rejoignit le pressing.
    — Alors ! Comment s’est passé ce déménagement des cabines ?
    — Parfait, Michèle. Pas une erreur, j’ai fait le maximum.
    — Ça ne m’étonne pas. Mais maintenant il faut enchaîner. Les garçons de salle viennent de tout m’apporter. Regarde !
    Il était presque impossible de poser le pied dans le pressing. Le tas de nappes et de serviettes envahissait l’espace.
    — Serviettes et nappes, on a trois mille pièces à faire. Tout doit être lavé, séché et plié pour demain matin. On en a pour un bon moment.
    — Ça va aller, dit Chantal, rassurante. Ne t’inquiète pas. Je t’ai promis que je ferais double tache, je le fais ! Les extras, c’est en plus, je le sais, et je m’arrangerais à chaque fois. Tu n’auras pas de souci.
    Michèle sourit, elle aimait cette capacité de Chantal à ne jamais paniquer et toujours voir le travail positivement. On la sentait capable de soulever des montagnes et elle ne se laissait jamais abattre. Pour fêter ça, elle alla chercher

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