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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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un « petit remontant », comme elle disait.
    — Tiens, Chantal, goûte-moi ça. Ce sont les meilleurs chocolats de Paris, ils sont fourrés. Ça vient d’où tu sais, fit-elle avec un air mystérieux en ouvrant la boîte beige clair aux filets rouges et à l’étiquette dorée. C’est mon nounours qui me les a offerts, il veut que je profite de tout.
    Michèle était conviviale. Elle aimait les bonnes choses et elle aimait surtout montrer que « Nounours », son amant chef cuisinier, la gâtait. Il la fournissait régulièrement en chocolats et sucreries diverses puisées directement à la source intarissable des cuisines de l’Elysée, et Michèle était fière comme si l’aura du Palais présidentiel rejaillissait dans le placard de son pressing.
    — Je trinque à notre bonne étoile, dit-elle en enfournant le chocolat avec un large sourire qui éclairait joliment son visage rond.
    — Mmmm, fit Chantal en croquant dans le fondant d’une ganache bien noire, c’est délicieux.
    — Oui, et pas besoin pour ça d’aller s’installer à la salle Chambord. Au fait, je ne t’ai pas dit.
    Chantal cessa de déguster.
    — Quoi ?
    — Roger a viré tes deux pimbêches de la salle Chambord.
    — Non ?
    — Si ! Il vient de m’appeler, il était en rogne parce qu’il n’a pas pu les avertir à l’avance et du coup elles y sont quand même allées. Elles ont descendu l’escalier et quand elles sont arrivées en bas, elles se sont retrouvées comme deux cruches. Tout était complet. Roger était vert en les voyant arriver, et du coup tu devineras jamais où il les casées.
    — A la salle à manger Versailles, en classe touriste.
    — Non. Mieux que ça, beaucoup mieux. Il te les a mises en cuisine, ni plus ni moins !
    — Non ! Et qu’est-ce qu’elles ont dit ? Elles ont accepté ?
    — Elles n’ont pas eu le choix, parbleu ! Ça leur apprendra de vouloir faire les intelligentes et de nous dire comment il faut parler. Non mais ! Cela dit, je ne dois pas refaire le coup à Roger une troisième fois. Il ne marcherait plus. Mais je doute que ces deux prunes y reviennent, la leçon a dû être rude.
    Chantal secoua la tête, l’air de dire à Michèle : « tu exagères quand même ! », mais elle ne put s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction. Elle imagina Béatrice et Sophie dans le boucan au milieu des vapeurs, et elle sourit.
    — Allez, au boulot, dit Michèle en prenant un dernier chocolat avant de ranger la boîte, satisfaite de sa petite vengeance.
    Chantal ouvrit le hublot de la grosse machine à laver et y enfourna les serviettes sales les unes après les autres. La nuit était tombée et elle ne s’en était même pas aperçue. La journée avait passé si vite. Elle avait complètement oublié Gérard et l’affaire de la coursive. Personne ne l’avait fait chercher et Michèle ne lui en avait pas parlé non plus. Or, s’il avait dû se passer quelque chose de grave pour Gérard, elle l’aurait su. Chantal poussa un soupir de soulagement. Demain l’incident serait oublié, il y aurait autre chose de plus urgent à traiter et son frère ne serait pas inquiété. Elle se dit qu’encore une fois elle s’était fait du souci pour rien, comme toujours, et qu’elle aurait mieux fait de ne pas s’en mêler en allant voir cette passagère. Enfin, apparemment tout rentrait dans l’ordre.
    — Heureusement ! pensa-t-elle. Soudain elle s’interrompit :
    — Oh là là, fît-elle en montrant une serviette à Michèle. Tu as vu, regarde ces traces de rouge à lèvres. Mais... il y en a partout, sur toutes les serviettes !
    Dépliant les serviettes les unes après les autres, elle désignait des traînées rouges, roses, beiges. Effectivement, il y en avait partout.
    — Du linge si beau ! Quel massacre !
    — Zut de zut, fit Michèle, consternée.
    — Qu’est-ce qu’on fait ?
    — Tout ce qu’on peut. Ça doit redevenir blanc de blanc. La consigne est impérative et il n’est pas question de faire dans l’à-peu-près. On me l’a répété mille fois aux réunions d’embauché : « Sur le France, le linge doit être absolument im-pec-cable. » J’aurais dû y penser, qu’elles forceraient sur le maquillage ! Une traversée pareille, elles mettent le paquet !
    Michèle vérifiait les dégâts, désolée. Il y avait aussi beaucoup de traces de fond de teint.
    — Tant pis, on va forcer sur les produits, mais je ne crois pas qu’on

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