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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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les aura du premier coup. Il faudra les passer deux fois, quelle galère ! On y est pour un bon moment ! Les rouges qu’elles mettent l’hiver sont toujours plus coriaces que ceux de l’été, ce n’est pas simple. Pourvu qu’on ne doive pas faire trois passages. J’aurais dû prévoir plus de café.
    — Bof, fit Chantal, autant ne pas perdre de temps. De toute façon il est mauvais ce café. Je ne sais pas pourquoi, je n’arrive pas à le boire.
    — Sur un bateau le café n’est jamais bon. C’est le roulis qui le gâche. Allez, continue d’enfourner, va, sinon on n’y arrivera jamais !
    Au-dehors le vent soufflait par rafales, et, aux reflets de la lune sur l’océan, Chantal devinait par le hublot la houle qui enflait. La tempête s’était préparée toute la journée mais là, ça n’allait plus tarder à éclater. Il faudrait s’accrocher !

 
    32
    Devant la timonerie, le commissaire et Francis attendaient l’officier. L’affaire de la nuit commençait à tourner au vinaigre. Jusque-là, personne n’avait rien demandé. Francis avait seulement prévu de s’occuper d’Andrei parce qu’il était sûr que le coup ne pouvait venir que de lui. Mais il avait décidé de prendre son temps. Un des hommes finirait par cracher le morceau. Depuis très longtemps, Francis voulait régler son compte à Andrei, pratiquement depuis l’enfance, quand celui-ci était arrivé de Russie dans les bagages du père Moreau. À cause de lui, il y avait eu la pagaille au parti. Le père Moreau, convaincu de la première heure, avait même failli en venir aux mains avec le père de Francis qui était alors le secrétaire de la section. En réunion, celui-ci avait eu le malheur de dire que Staline avait peut-être du bon, que les purges n’avaient peut-être pas toujours été si inutiles que ça et que les parents d’Andrei méritaient peut-être ce qui leur était arrivé. Le père Moreau avait rendu sa carte ce jour-là, et il n’avait plus jamais remis les pieds à la section. C’est alors qu’avait commencé sa déchéance. Depuis ce temps, bien de l’eau avait coulé sous le pont, et le père Moreau était mort et enterré. Mais, pour Francis, Andrei restait un homme dangereux. Il le soupçonnait de garder enfouie une rancoeur terrible.
    — Ce type c’est une bombe à retardement, disait-il aux copains. Il faut s’en méfier.
    Et puis voilà qu’en début de soirée le commissaire déboule dans son bureau. Le malade cardiaque avait repris ses esprits en même temps, hélas, que son mauvais caractère. À peine sur pied, déjà il commence à geindre, à dire qu’on a essayé de le tuer. Il veut qu’on trouve le coupable. Le médecin ayant signalé la présence d’un officier, le commissaire en avait rapidement déduit que ce pourrait être Vercors, qui finissait son quart à cette heure-là. Mais le commissaire pensait qu’il serait mieux que Vercors n’ait pas à intervenir. Qu’il vaudrait mieux trouver le responsable avant. Vercors était un homme de devoir, mais ce n’était pas le genre à dénoncer qui que ce soit. Lui imposer de le faire, c’était mettre le doigt dans un engrenage dangereux pour la paix de tous.
    Francis, lui, n’avait rien à faire des états d’âme d’un officier. Il avait convaincu le commissaire de ne pas tourner autour du pot, d’aller illico lui montrer la photo d’Andrei et de lui demander tout de go s’il le reconnaissait. Voilà pourquoi ils l’attendaient maintenant devant la timonerie.
    Quand l’officier sortit, le commissaire lui expliqua toute l’affaire et Francis se hâta de lui mettre la photographie d’Andrei sous le nez. Vercors regardait la photo. Il reconnut ce visage, c’était bien l’homme de la nuit passée. Celui en bleu de travail qui avait disparu dans l’escalier qui conduit aux machines. Mais pourquoi lui montrait-on sa photo ? Qu’attendait-on de lui ? L’explication vint de façon abrupte.
    — Ce marin s’appelle Andrei, dit Francis dès que le commissaire eut exposé la situation, c’est un gars de la bordée de nuit. Et si c’est lui qui a fait le con, il doit payer. Il se planque derrière la bordée. Ce n’est pas juste et ce n’est pas bon pour le bateau que dès la première traversée il y ait de sales histoires qui traînent.
    L’officier regardait Francis sans répondre. Cette avalanche de paroles n’était pas la meilleure solution pour le convaincre. Il se tourna vers le

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