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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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savez-vous ? s’étonna Béatrice, de plus en plus hautaine, comme à chaque fois qu’elle sentait une résistance chez quelqu’un qu’elle jugeait subalterne à sa propre personne.
    Michèle jubila. Ces deux filles étaient bien celles qui donnaient des leçons de vocabulaire et qu’elle avait fait rayer du dîner à la table du commandant.
    — Une intuition, répondit-elle en mijotant intérieurement sa revanche contre cette prétentieuse qui croyait pouvoir lui parler de haut, à elle, Michèle, qui avait ses entrées à l’Élysée. Cette Béatrice qui ne payait même pas la première où elle logeait et qui prenait ses grands airs, tout ce que Michèle haïssait. Une fille persuadée de tout détenir, la beauté et le bon goût. Michèle avait assez souffert de se faire mépriser à cause de son poids ou de sa situation quand elle n’était qu’une modeste employée au pressing de sa ville et qu’elle repassait les robes de ces dames. Ce temps était révolu. Elle n’allait pas se gêner pour remettre cette fille à sa place. Pas dupe, elle savait que la plupart de ces filles qui se la jouaient n’étaient pas si heureuses qu’elles en avaient l’air. Michèle était aimée, et cet amour la plaçait au-dessus de tout. De la position sociale, du bon et du mauvais goût, de tout ce qui écrase pour rien et qui n’est qu’apparence. Et elle ne supportait plus la moindre parcelle de mépris.
    Sophie sentait que l’affaire était très mal partie. Elle commença à douter de son idée de réunir les bonnes volontés féminines. Le dialogue tournait au conflit et ça n’allait pas être simple à rattraper.
    — Je crois savoir, continua Michèle en regardant Béatrice droit dans les yeux, que c’est vous qui désiriez tant dîner à la table du commandant.
    — Qui vous a dit ça ? répondit Béatrice, interloquée.
    — Et à ce qu’on m’a dit aussi, continua Michèle, imperturbable, vous n’y êtes pas encore parvenues.
    — Ça alors ! explosa Béatrice. Mais de quoi vous mêlez-vous !
    — De tout, trancha Michèle d’un ton cinglant. J’ai peut-être l’air de rien, mademoiselle, de quelqu’un à qui on peut parler comme à une serpillière, mais sur ce paquebot, sachez que je me mêle de tout. Et ce dîner vous n’êtes pas près de l’obtenir !
    Et sur ces paroles sans ambiguïté qu’elle lâcha avec un immense soulagement, elle qui avait si souvent courbé l’échine, Michèle tourna le dos à Béatrice et disparut dans les vapeurs du pressing en faisant claquer ses mules à talons.
    Béatrice était abasourdie. Un tel culot de la part d’une simple employée, ça la laissait sans voix. Mais qui était cette femme pour oser les traiter de la sorte ? Elles quittèrent le pressing et, une fois dehors, Sophie hurla.
    — Bravo ! Tu es contente de toi ? Et on fait quoi maintenant ? On la retrouve comment, Chantal ?
    — Ça, c’est la meilleure ! Je fais tout pour obtenir des informations et tu cries après moi ? Non, mais tu as vu comment elle parle, cette femme ? Je ne vais pas me laisser faire ! C’est inadmissible, j’en parlerai au commandant. Qu’est-ce qu’elle croit, celle-là, et pour qui elle se prend ?
    — Par pitié, arrête d’en appeler toujours au commandant qui a autre chose à faire qu’à te répondre et qui t’enverra promener ! Tu as tort, et si tu avais été plus diplomate on n’en serait pas là.
    C’en était trop ! Toutes ces histoires avec le petit personnel, Béatrice ne voulait plus en entendre parler. Tant pis si ça remettait sa soirée trop arrosée avec le photographe sur le tapis et si elle était contrainte de s’en expliquer ! Elle n’allait tout de même pas se laisser traiter de la sorte par une simple employée de pressing ! Non, mais !
    — Je pars, fit-elle, au comble de l’énervement. Ta Chantal, retrouve-la toute seule.
    — Quoi ? Tout est de ta faute et tu crois pouvoir partir comme ça sans m’aider sur un coup de colère parce qu’une simple employée, comme tu dis, a osé te tenir tête ?
    — Ben oui. Parce qu’en fait je ne me sens pas du tout en faute de quoi que ce soit et que je ne vois pas ce que je fais là alors qu’il y a mille choses passionnantes à faire et des gens bien plus agréables à voir que ces femmes qui ont un comportement grossier.
    Sophie désespérait. Ces chamailleries pour rien, ces susceptibilités de femmes entre elles, on n’en sortait pas.
    — Comme

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