La Perle de l'empereur
n’ajouta pas qu’il espérait avoir dans la journée des nouvelles de Martin qui certainement, à cette heure, devait avoir commencé son enquête. Malheureusement la matinée s’écoula sans ramener Aldo et sans que le journaliste donnât signe de vie. Toujours vissé dans son fauteuil, Adalbert qui s’efforçait au calme obtenait exactement le contraire et le tabac n’arrangeait rien. Jamais encore il n’avait ressenti, lui toujours si calme, qu’il avait des nerfs comme tout le monde. Il essaya de lire, de travailler. Peine perdue ! Les plus belles énigmes égyptiennes perdaient tout intérêt en face de celle qu’incarnait alors Aldo…
Incapable de rester là plus longtemps à se ronger les sangs, il tendait la main vers le téléphone quand on sonna. Persuadé que c’était Walker, il se précipita et arriva dans l’antichambre au moment où Théobald faisait entrer le commissaire Langlois escorté de deux inspecteurs. Vidal-Pellicorne fut tellement content de le voir qu’il ne prit pas garde à l’appareil officiel dont il s’entourait ni à la raideur voulue de son attitude :
— Commissaire ! Je suis si heureux de votre visite ! C’est le bon Dieu qui vous envoie…
— Cela m’étonnerait ! Le nommé Aldo Morosini est-il ici ?
— Le n… ? Qu’est-ce que ça veut dire ? dit Adalbert choqué par l’appellation vulgaire.
— Que je viens l’arrêter. Fouillez partout, vous deux ! Et sans oublier les chambres et l’escalier de service…
Les deux séides s’éclipsèrent et l’appartement retentit bientôt des protestations indignées de Théobald. Cependant Adalbert reprenait esprits :
— L’arrêter ? Et pourquoi, s’il vous plaît ?
— Il a assassiné cette nuit la comtesse Tania Abrasimoff qui selon toute probabilité était sa maîtresse. Et mieux vaudrait pour lui qu’il n’oppose pas de résistance.
— Il en serait bien incapable ! Selon toutes probabilités, pour employer votre expression, Morosini été enlevé cette nuit et peut-être est-il déjà mort !
— N’essayez pas d’inventer n’importe quoi pour protéger votre ami. Les preuves sont contre lui.
— Les preuves ? Vous me la baillez belle ! Et quelles preuves, s’il vous plaît ?
— Une lettre que l’on a trouvée dans la main de la morte et aussi deux témoignages. La bonne qui a vu s’enfuir l’assassin et la concierge qui l’a vu entrer vers trois heures du matin.
— C’est impossible ! fit Adalbert catégorique. La bonne ment. Quant à la concierge, si elle a vu quelqu’un entrer c’était moi, revêtu des habits d’Aldo. Et je n’étais pas seul !
— Qu’est-ce que vous me racontez là ? Une histoire de fous pour protéger votre ami ? Cela ne lui servira à rien.
— Faites-moi crédit de quelque intelligence s’il vous plaît ! Comme jusqu’à présent je vous en faisais crédit. Je viens de vous le dire, Morosini a disparu depuis la nuit dernière et donc vous ne le trouverez pas. En revanche, si vous vouliez bien prendre la peine de m’entendre, vous pourriez trouver matière à réflexion…
— D’accord ! Allons dans votre cabinet…
— Patron, fit l’un des deux inspecteurs qui resurgissait à cet instant, voulez-vous venir voir ?
Il conduisit le commissaire dans la chambre d’Aldo et lui montra le trou du carreau :
— Qu’est-ce que c’est, à votre avis ?
— Un trou fait avec un diamant, vous devriez le savoir !
— Oui, mais qui l’a fait et pourquoi ?
— Ça aussi je peux l’expliquer, émit doucement Adalbert. C’est l’œuvre d’un bien étrange cambrioleur qui s’est introduit ici non pas pour voler mais pour apporter quelque chose…
— Quoi ?
— Deux bracelets de rubis !
Il y eut un silence. Langlois considéra une minute cet homme échevelé qui puait le tabac dont le visage tiré parlait de nuit sans sommeil mais surtout d’angoisse. Avec un soupir, il ôta chapeau, son manteau et les jeta sur un coffre ancien.
— Venez me raconter votre histoire. Allez m’attendre en bas, vous autres !
Dans le cabinet de travail d’Adalbert l’air était irrespirable à cause de la fumée. Langlois se dirigea vers la haute fenêtre qu’il ouvrit en grand.
— Vous permettez ? Moi aussi je fume, mais pas à ce point-là !
Puis, se laissant tomber dans le fauteuil de cuir qu’il avait tant apprécié la veille au soir, il étendit devant lui ses longues jambes et
Weitere Kostenlose Bücher