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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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avec ses hautes églises aux tours comme ciselées, ses bouquets de palmiers et d’orangers, et le limpide horizon hérissé de montagnes bleues. Puisque c’était la Terre Sainte, il fallait bien que ce fût très beau. Quelle belle lumière d’or sur la mer, quelles belles voiles multicolores dans le port, quels beaux vêtements portaient les gens du pays, quelle richesse – même à Marseille, il n’avait rien vu de pareil. Il avait mis pied dans ce port comme on entre dans une église et à présent il pouvait à peine parler, de ravissement. Son esprit parait tout d’une telle splendeur que les moindres cailloux par terre lui semblaient être des pierres précieuses.
    Et Riquet, un peu las, mais ébloui lui aussi, pensait que la vie était belle, et que le vieux n’était pas fou. Sûrement, dans cette terre il y avait assez de sainteté pour brûler comme de la paille tous les péchés du monde. Un homme qui touche le Saint-Sépulcre est nettoyé de ses péchés comme les lépreux ont été nettoyés de leur lèpre par la main du Sauveur.
    — Eh bien, compagnon, où passons-nous la nuit, à présent ? Bertrand, le premier, avait rompu le silence. Car il était triste de se sentir à ce moment-là si étranger à ses amis. Ansiau ne répondit pas, il était pris de crainte, maintenant, de ne pas trouver ce qu’il cherchait : il pensait à l’immense cimetière qui s’étalait derrière la ville.
    Voilà bientôt vingt ans qu’il avait fait promettre à son hôtesse, la veuve Nicolaï, de prendre soin de la tombe. À deux reprises, il lui avait fait envoyer de l’argent par des amis pèlerins en Terre Sainte. Mais depuis quatre ans, il n’avait plus eu d’occasion de le faire, depuis le mariage du baron de Brienne avec la jeune reine de Jérusalem. Et puis, aveugle comme il était, il ne retrouverait pas facilement la maison de la veuve. Elle s’était remariée, son nouveau mari s’appelait Gherardi ; mais c’était un nom très commun. Quand Riquet lui proposa de se mettre à la recherche d’un hospice pour pèlerins, il dit : « Il me faudra d’abord trouver la maison du drapier Gherardi. » Bertrand dit : « Il se fait tard. — Bon, dit le vieux, allez à l’hospice avec Auberi, moi j’irai avec Riquet chercher la maison. »
    « Il faut demander le quartier pisan, Riquet. On trouvera bien, là-bas. Ce n’était pas loin de l’église Sainte-Anne. Je me rappelle bien la maison, moi. Mais pour te décrire, je ne saurais pas, elles se ressemblent toutes. Il y avait un anneau de fer en forme de deux poissons, sur la porte. – Si je regarde tous les anneaux de toutes les portes, ce sera long, il fera tout à fait noir. Il faudra demander aux voisins. — Oui, c’est plus sûr. Comment trouves-tu la ville, Riquet ? —  Une belle ville. Les gens ont l’air d’être riches, par ici. — Je l’ai vue bien abîmée, Dieu le sait. Et pas seulement par les païens. J’y ai vu des choses pas belles, Riquet. Mais elle nous a coûté cher, aussi… C’est là que notre comte Henri est mort, après la guerre, quand il était devenu roi de Jérusalem. Sommes-nous loin de l’église Sainte-Anne ? J’entends des cloches tout près qui sonnent pour laudes. … Maintenant il faut demander la maison de Gherardi, le drapier. Frappe aux fenêtres, vas-y. On le connaît sûrement. — Ils ne me comprendront pas. — Va, par ici, ils savent tous un peu de français. Dis toujours : Gherardi. »
    Un visage de femme, tout apeuré, se montra à une petite fenêtre carrée. «  Che volete ? Gherardi ? Gherardi Battista ?  » Le vieux rassemblait ses souvenirs d’italien. «  Non sapere, Gherardi, marito di vedova Nicolaï.  » La femme dit quelques mots encore, hocha la tête et referma la fenêtre.
    «  Gherardi Andréa ?  – Gherardi marito di vedova…  – Francesi ? Non, ce Gherardi pas marié.
    — … Mari de la veuve Nicolaï, Maria ? Gian-Paolo ? Mais voilà trois ans qu’il est mort, Gian-Paolo ! C’est moi qui tiens la maison, maintenant. » L’homme, un grand Génois maigre et grêlé, qui savait heureusement le français, se tenait devant la porte, regardant les pèlerins d’un air apitoyé.
    « Vous venez juste de débarquer, pour sûr ? Vous pourrez toujours loger dans mon arrière-boutique cette nuit, si vous voulez ; mais Gian-Paolo, Dieu ait son âme, n’est plus là.
    — Et sa femme ? demanda Ansiau.
    — Morte aussi, Dieu ait son

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