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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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c’est. N’empêche, il en est qui ne se feraient pas tant de mauvais sang pour cela. »
    Brusquement, la jeune femme se leva, enjamba d’un pas léger les couronnes de fleurs et de feuillages qui couvraient le sol devant l’image de la sainte et se trouva face à face avec la Madeleine, et presque collée à la fresque. Rapidement, elle leva les yeux et les deux mains vers le visage peint, hésita un instant, puis posa un baiser léger sur la bouche de la sainte, puis sur la main qui tenait le vase de parfums – puis elle se baissa jusqu’à terre et baisa les deux pieds de l’image. D’un geste vif, elle défit quelque chose sur sa nuque, et laissa glisser un objet parmi les fleurs dispersées devant l’image, rabattit son voile sur sa figure, et quitta la chapelle d’un pas rapide, comme craignant d’être surprise. Riquet, par pudeur, avait détourné les yeux.
    Puis il jeta un rapide coup d’œil autour de lui, pour s’assurer qu’il était de nouveau seul, s’approcha de l’image, plongea rapidement sa main dans les fleurs, en retira l’objet, qui paraissait être un collier et, sans le regarder, le glissa dans sa poche. Puis il se remit à genoux, très troublé, ne sachant où tourner les yeux. Le miracle ? Bien sûr, c’était cela le miracle. Il fallait remercier la sainte. Il n’en avait pas le courage ; le rouge lui était monté aux joues et aux oreilles. Il battit des paupières, fit un rapide signe de croix, et sortit de l’église, le cœur battant, et s’efforçant de ne pas marcher trop vite.
    « Douce mère des pécheurs, douce dame, merci, et pardon de vous avoir volée. Vous saviez bien aussi que la tentation était trop forte, pourquoi avez-vous laissé cette femme faire cela juste à ce moment-là ? Elle eût pu venir une demi-heure plus tôt ou plus tard. »
    Caché dans un passage entre deux maisons, il examina le collier : il était en argent massif, incrusté d’améthystes et de turquoises. « Diable ! se dit-il, elle n’a pas été avare, il en est de plus riches qui n’eussent pas donné tant. Ça vaut bien dix marcs, mais aucun revendeur ne m’en donnera plus de deux, et encore ! » Il connaissait dans le port un boutiquier levantin qui revendait des objets volés. Il marchanda longtemps et finit par obtenir deux marcs et six sous. « Il faut croire, se dit-il, que le collier valait dix fois plus. »
    Jamais ni les aveugles ni même Auberi ne demandèrent à Riquet où il avait trouvé cet argent. Il essaya bien de leur inventer l’histoire d’un seigneur pieux et charitable, puis, voyant qu’on ne le croyait pas, n’insista plus, mais se sentit assez mortifié. « Que pensent-ils donc de moi ? » se demandait-il. N’importe, il n’osa pas avouer qu’il avait volé sainte Madeleine.
TERRE PROMISE
I
VOYAGE
    Le voyage dans la cale du bateau devait être un supplice que les aveugles n’avaient guère prévu. Bertrand souffrait du mal de mer presque tout le temps, et la nuit il était difficile de dormir parce qu’il fallait batailler avec les rats. Une vingtaine d’autres pèlerins étaient installés dans la cale, et l’odeur y était telle que les femmes et les malades s’évanouissaient tout le temps ; et ce n’était pas chose facile non plus de les transporter sur le pont par la trappe de cordes qui se balançait à chaque coup de roulis. La mer était assez forte malgré la saison, et les pèlerins roulaient à tout moment les uns sur les autres, se heurtaient aux fûts et aux caisses. Par temps plus calme, serrés les uns contre les autres, ils chantaient en chœur les psaumes sur Jérusalem, pour passer le temps. Et alors ils avaient l’impression de ne pas souffrir ce martyre pour rien. 
    Riquet et Auberi, comme aussi quelques autres pèlerins parmi les jeunes et les plus forts, montaient sur le pont de temps en temps ; le capitaine n’aimait pas beaucoup cela, mais Riquet était dans ses bonnes grâces et mangeait même parfois à sa table. Et il pensait que ce devait être une bonne vie que celle d’un marin, il aimait regarder mâts et cordages, et les grosses voiles toutes rapiécées et cousues de croix et d’écussons multicolores, et le pont lavé à grande eau, et la mer bleue le jour et blanche le soir, et dorée et rouge et argentée, et pailletée de diamants, et inondée de nappes d’or liquide, selon les heures et le temps qu’il faisait. Jamais il n’eût cru que la mer au large fût si différente de

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