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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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du chevalier Foulque de Mongenost près de Troyes. Vous savez que moi-même dans le monde j’avais voué à cette dame un service d’honnêteté et de courtoisie ; et comme elle m’avait accepté pour son homme, elle ne pourra pas se refuser à ma prière.
    » C’est une dame de si haute valeur que même un duc n’aurait pas à rougir de lui confier sa fille ; et je crois que ni ma sœur ni ma grand-mère ne devraient être fâchées, si elles savent mon enfant en de si bonnes mains. J’aurais voulu que dès maintenant, dès l’âge où elle commence à parler et à reconnaître les gens, elle puisse vivre auprès de la dite dame et qu’elle apprenne à l’aimer. Je vous prierai donc d’allouer, de ma part, une bonne pension à Oda, la nourrice de ma fille, et à une servante pour l’entretien de ses hardes ; et d’offrir en présent à la dame le collier de béryls qui me vient de feu ma mère, et au chevalier Foulque, son époux, mon harnais de parade toulousain à plaques d’argent et à turquoises, pour qu’ils acceptent ces présents comme témoignage de ma gratitude. Car je leur devrai mille fois plus si la dame accepte de prendre ma fille auprès d’elle pour en faire une femme accomplie. Que ni elle ni le chevalier son époux ne prennent cela pour outrecuidance de ma part, mais pour témoignage de ma grande estime pour eux.
    » Si vous jugiez cet arrangement peu convenable pour quelque raison, mon très aimé gendre, je vous laisse libre d’agir à votre guise. Mais je vous répète que pour ce qui est de moi, ma volonté expresse est celle-ci et aucune autre.
    » Sur ce, je prie Dieu Notre-Seigneur, sa Glorieuse Mère et sainte Marie-Madeleine de vous avoir toujours en leur sainte garde et protection, vous et toute votre parenté.
    » Feu Haguenier, seigneur de Linnières et de Hervi, à présent frère Ernaut, novice. »
    Avant de donner la lettre à Adam, Haguenier la fit lire au frère Izembard, qui fronça les sourcils et dit qu’il n’entendait rien aux questions de famille, surtout chez les gens de la noblesse,
    « Il ne me semble pas juste, dit-il, que vous cherchiez à enlever votre fille à ses parents naturels, mais je suppose que vous les connaissez mieux que moi. Vous êtes encore libre, et je vous laisse juger vous-même si ce que vous faites n’est pas un péché. Mais je voudrais que vous me donniez votre parole qu’il n’y a jamais eu de péché entre cette femme et vous.
    — Aurai-je songé à lui confier ma fille, autrement ? Je vous donne ma parole si vous y tenez. »
    Adam partit le lendemain, avec la lettre. En lui disant adieu, Haguenier avait le cœur gros, jamais il n’avait cru aimer autant son écuyer. Et Pierre, et la grand-mère, et Aielot, et tous ses amis lui étaient à présent plus chers qu’ils n’avaient jamais été, et plus proches. Mais la paix qui était en lui était plus grande, à présent : comme si la vue d’Adam et les nouvelles du pays lui avaient fait mieux sentir à quel point il tenait de pied ferme dans sa nouvelle vie ; pas un instant il n’avait eu de regret, ni de désir de reprendre son ancienne vie.
    C’était le frère Ernaut qui avait parlé à Adam et pleuré sur dame Isabeau. Il n’avait même pas considéré ce retour du passé comme une tentation. Une grande joie, et un grand chagrin, il les avait acceptés tous deux comme un don de Dieu. Mais sa vie était si prise par les heures de travail et les heures de prière qu’il n’avait plus le droit ni le loisir d’y penser.
    Il ne savait pas que les plus dures épreuves étaient encore à venir.
LE DERNIER PÈLERINAGE
    Les mois passaient. La saison des pluies était venue, le vieux ne tournait plus son moulin depuis longtemps. Il était tombé malade, et un homme du village, un potier nommé Ali, l’avait pris par charité dans sa maison, espèce de trou noir et puant, à moitié creusé dans le rocher, et où il logeait avec sa femme, ses enfants, ses chèvres et son chien. Les prisonniers qui travaillaient au rempart n’étaient plus là, on les avait emmenés à Naplouse pour les revendre à nouveau.
    Le vieux restait couché dans son coin, à côté des chèvres qui le léchaient et le frôlaient de temps en temps ; il en était arrivé à ne plus sentir la forte odeur de purin qui régnait dans la maison, et aimait l’haleine et la chaleur des deux bêtes. La fièvre l’épuisait, il grelottait sous la bâche que son hôte avait jetée sur lui.

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