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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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Adam ! dis-moi : tu ne viens pas seulement pour me voir ? Ne me dis pas. Attends : si Pierre ou mon gendre avaient été tués dans la bataille, je l’aurais su avant, n’est-ce pas ? Ne me dis rien. Ma fille, elle va bien, n’est-ce pas ? » Adam baissa les yeux. « Elle est en bonne santé. — Et… et ma sœur ? — Elle va bien aussi. Autant vaut que je vous dise tout de suite. Dame Isabeau est morte, l’autre dimanche, à matines. Dieu l’ait en paradis. On dit qu’elle souffrait du ventre, depuis ses couches.  — Adam ! » Haguenier laissa tomber la tête sur la table et éclata en sanglots.
    Jamais il n’eût pensé que la mort de cette femme, à laquelle bien malgré lui il avait gardé la foi promise en mariage, devait le frapper à ce point. Il se mordait les lèvres et se raidissait, essayant de retrouver son calme, et avalait les larmes qui lui coulaient dans la bouche. « Adam. Dis, elle a beaucoup souffert ? — Oui, je crois. Je n’étais pas là, je sers M. Pierre, à Troyes. On l’a enterrée ce mercredi. Le chevalier de Traînel, votre gendre, notre seigneur, m’a chargé de vous retrouver, rapport à votre fille. Vous n’avez pas encore prononcé vos vœux, c’est donc à vous de décider. Est-ce à la dame de Bernon que vous voulez confier la garde, ou à votre sœur ? Parce qu’elles y tiennent toutes les deux. Le chevalier a dit : Tant qu’elle n’est pas majeure c’est l’affaire du père.
    — Il eût mieux fait de décider lui-même. Je ne suis pas sur place. Et je ne veux vexer ni ma grand-mère ni ma sœur.
    — Le chevalier de Traînel dit comme vous.
    — Bien sûr. Voilà qu’on sonne laudes. Nous parlerons après l’office. » Frère Ernaut s’essuya les yeux et alla se joindre aux novices qui entraient dans la chapelle. Et il se mit à chanter les psaumes, essayant de maîtriser sa voix brisée par les larmes. Morte. Il avait rêvé d’elle, plusieurs fois, des rêves impurs. Encore heureux que le diable n’envoyât pour le tenter que l’image d’une épouse légitime. Mais voilà qu’elle était déjà une morte. Il avait eu de l’amitié pour elle. Et des torts envers elle, aussi, elle ne lui avait pas pardonné son mariage annulé. Elle à qui il n’avait jamais rien eu à reprocher.
    « Mon Dieu, dites-moi ce que je dois faire. Voilà que de nouveau il me faut décider d’une vie, voilà que vous me mettez encore une fois devant mon péché. Pourquoi avez-vous voulu laisser mon enfant orpheline de père et de mère ? Je sais bien que votre volonté n’est pas que je retourne dans le monde. Et ma petite fille reste sans mère, à la merci d’étrangers. »
    Après laudes, il demanda au frère Izembard l’autorisation d’écrire une lettre à son gendre, pour régler une question de famille.
    « À Pons de Traînel, chevalier, sénéchal à Bar-sur-Aube. Mon très aimé gendre et frère en Dieu.
    » Mon noble et très aimé gendre, vous m’avez fait la grâce de m’apprendre, par Adam, le décès de la dame de Villemor, qui a été mon épouse et amie. Dieu ait son âme en paradis. Pour ce qui est de ma fille, vous êtes uni à elle par promesse de mariage, et vous êtes son seigneur et son protecteur, aussi mon devoir est-il de m’en remettre à vous, en ce qui concerne son éducation. J’ai toute confiance en vous, et si vous estimiez, sur votre honneur, qu’elle serait le mieux chez la dame votre mère ou telle autre personne de votre parenté, je me soumettrais à votre décision avec joie.
    » Mais puisque vous me faites la grande courtoisie de me demander quelle serait ma volonté à moi, je vous la dirai en toute franchise, et vous agirez ensuite comme il vous semblera convenable. Je ne voudrais pas causer de peine à la dame mon aïeule, ni à la dame de Pouilli, ma sœur. Mais je dois avant tout penser à ma fille, et qu’elle soit élevée comme il convient à son rang, pour qu’elle acquière toutes les perfections de son sexe, la piété et la courtoisie, et tous les agréments du corps et de l’esprit, comme l’écriture et la musique et l’art de bien parler, et tous les travaux fins de l’aiguille, et la fauconnerie et la vénerie. Mais par-dessus tout je dois penser à son âme, et qu’elle acquière des pensées nobles et belles et un cœur droit. Pour tout cela, je ne vois qu’une seule personne qui puisse lui être à la fois guide et exemple, c’est la dame Marie de Baudemant, épouse

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