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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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parole :
    — Voilà des mois que cette
jeune dame est à la recherche de quelqu’un. Mais je me demande... croyez-vous
qu’il soit sûr, à notre époque, pour une jeune femme, de se rendre seule à Nara
sans savoir où loger ?
    Le vieillard écarquilla les yeux.
    — Il n’y faut pas songer !
répondit-il catégoriquement.
    Il se tourna vers Otsū, agita
l’index de gauche à droite et de droite à gauche, et dit :
    — ... Renoncez-y tout à fait.
Si vous aviez quelqu’un chez qui séjourner, ce serait différent. Sinon, Nara
risque d’être un endroit très dangereux.
    Le patron se versa à lui-même une
tasse de thé, et leur dit ce qu’il savait sur la situation à Nara. La plupart
des gens paraissaient avoir l’impression que la vieille capitale était un lieu
paisible, plein de temples pittoresques et de cervidés apprivoisés – un
lieu épargné par la guerre ou la famine ; mais en réalité ce n’était plus
du tout le cas. Après la bataille de Sekigahara, nul ne savait combien de rōnins
appartenant au camp des vaincus étaient venus s’y cacher. C’étaient pour la
plupart des partisans d’Osaka provenant de l’armée de l’Ouest, des samouraïs
qui n’avaient plus de revenus et peu d’espoir de trouver une autre profession.
La puissance du Shōgunat Tokugawa augmentant d’année en année, ces fuyards
ne pourraient sans doute jamais vivre à nouveau ouvertement de leur sabre.
    Suivant la plupart des
estimations, cent vingt à cent trente mille samouraïs avaient perdu leur poste.
En leur qualité de vainqueurs, les Tokugawas avaient confisqué des biens représentant
un revenu annuel de trente-trois millions de boisseaux de riz. Même si l’on
tenait compte des seigneurs féodaux autorisés depuis à se réétablir sur un pied
plus modeste, au moins quatre-vingts daimyōs, au revenu total évalué à
vingt millions de boisseaux, avaient été dépossédés.
    La région située autour de Nara et
du mont Kōya, fourmillant de temples, était par conséquent difficile d’accès
aux patrouilles des Tokugawas. De plus, il s’agissait d’un endroit idéal où se
cacher, et les fugitifs y pullulaient.
    — ... Voyons, disait le
vieux, le fameux Sanada Yukimura se cache au mont Kudo ; l’on dit que Sengoku
Sōya est au voisinage du Hōryūji, et Ban Dan’emon au Kōfukuji.
Je pourrais vous en citer bien d’autres.
    Tous ceux-là étaient des hommes
marqués, qui seraient tués instantanément s’ils se montraient ; leur
unique espoir consistait en une reprise de la guerre.
    Le vieillard estimait que le pire
n’était pas ces rōnins  célèbres qui se cachaient : tous jouissaient
d’un certain prestige ; ils pouvaient gagner leur vie et celle de leur
famille. Mais le tableau se compliquait du fait des samouraïs indigents qui rôdaient
par les ruelles de la ville, dans un tel état de misère qu’ils vendaient leur
sabre s’ils le pouvaient. La moitié d’entre eux s’adonnaient à la bagarre, au
jeu, troublaient la paix dans l’espoir que les désordres qu’ils provoquaient
amèneraient les forces d’Osaka à reprendre les armes. La ville de Nara,
autrefois tranquille, était devenue un repaire de têtes brûlées. Pour une
gentille jeune fille comme Otsū, s’y rendre équivaudrait à verser de l’huile
sur son kimono et à se jeter au feu. Le patron de la maison de thé, ému par son
propre récit, conclut en suppliant Otsū de changer d’avis.
    Hésitante, celle-ci resta assise
en silence un moment. Eût-elle eu le moindre indice de la présence à Nara de
Musashi, elle n’eût pas tenu compte du péril. Mais en réalité, elle n’avait
rien sur quoi s’appuyer. Elle ne faisait que se diriger au hasard vers Nara – tout
comme elle avait parcouru au hasard divers autres lieux depuis un an que
Musashi l’avait abandonnée sur le pont de Himeji.
    Shōda, voyant son expression
perplexe, lui demanda :
    — Vous avez bien dit que vous
vous appeliez Otsū, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Eh bien, Otsū, j’hésite
à vous faire cette proposition, mais pourquoi ne renoncez-vous pas à vous
rendre à Nara, et ne m’accompagnez-vous pas à la place au fief de Koyagyū ?
    Se sentant obligé de lui en dire
davantage sur lui-même, et de l’assurer que ses intentions étaient honorables,
il continua :
    — ... Mon nom complet est Shōda
Kizaemon, et je suis au service de la famille Yagyū. Il se trouve que mon
seigneur, aujourd’hui âgé de

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