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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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détourné ?
    — Mon Dieu, oui, mais où
voulez-vous aller ?
    — Ça m’est égal. Je veux
seulement échapper à ce coquin !
    — En descendant cette route,
à environ huit ou neuf cents mètres, il y a un sentier qui va vers le nord. Si
vous le suivez, vous aboutirez entre Sakamoto et Otsu.
    — Si vous rencontrez un homme
qui me cherche, fit furtivement Osugi, ne lui dites pas que vous m’avez vue.
    Et elle s’éloigna en hâte,
pareille à une mante religieuse éclopée. Musashi gloussait de rire en sortant
de derrière son rocher.
    — Vous habitez par ici, je
suppose, dit-il aimablement. Votre mari est fermier, bûcheron, quelque chose
comme ça ?
    La femme recula craintivement,
mais répondit :
    — Oh ! non. Je suis de l’auberge
au sommet du col.
    — Tant mieux. Si je vous
donnais de l’argent, vous feriez une course pour moi ?
    — Avec plaisir, mais
voyez-vous, il y a cette malade à l’auberge.
    — Je pourrais rapporter le
lait à votre place et vous y attendre. Qu’en dites-vous ? Si vous partez
maintenant, vous serez de retour avant la nuit.
    — Dans ce cas, je crois que
je pourrais y aller mais...
    — Rien à craindre ! Je
ne suis pas le coquin que prétend la vieille femme. J’essayais seulement de l’aider.
Si elle est capable de se débrouiller seule, je n’ai aucune raison de m’inquiéter
pour elle. Et maintenant, je vais juste écrire un mot. Je veux que vous le
portiez à la maison du seigneur Karasumaru Mitsuhiro. C’est dans le quartier
nord de la ville.
    Avec le pinceau de son nécessaire
à écrire, il griffonna rapidement les mots qu’il avait tant désiré adresser à Otsū
pendant qu’il se remettait au Mudōji. Ayant confié sa lettre à la femme,
il monta la vache et s’éloigna à pas pesants en se répétant les paroles qu’il
avait tracées et en imaginant les sentiments d’Otsū lorsqu’elle les
lirait. « Moi qui croyais ne jamais la revoir... », murmurait-il en s’animant
soudain.
    « Etant donné l’état de
faiblesse où elle se trouvait, peut-être est-elle à nouveau malade au lit,
songeait-il. Mais quand elle recevra ma lettre, elle se lèvera pour venir aussi
vite qu’elle pourra. Jōtarō aussi. »
    Il laissait la vache marcher à sa
propre allure, et s’arrêtait de temps en temps pour lui permettre de brouter.
Sa lettre à Otsū était simple, mais il en était plutôt satisfait : « Au
pont de Hanada, c’est toi qui attendais. Cette fois, que ce soit moi. J’ai pris
les devants. Je t’attendrai dans la province d’Otsu, au pont de Kara, village
de Seta. Quand nous serons de nouveau réunis, nous parlerons de bien des choses. »
Il avait essayé de conférer à ce message prosaïque un ton poétique. Il se le
récita de nouveau, et médita sur les nombreuses « choses » dont ils
devaient parler.
    En arrivant à l’auberge, il
descendit de la vache et, tenant à deux mains la jarre de lait, cria :
    — Il y a quelqu’un ?
    Suivant l’usage de ce genre d’établissement
du bord de la route, il y avait sous l’auvent de la façade un espace ouvert où
les voyageurs pouvaient prendre le thé ou un repas léger. A l’intérieur était
un salon de thé dont une partie formait cuisine. Les chambres d’hôtes se
trouvaient derrière. Une femme chargeait de bois un four en terre.
    Comme il s’était assis sur un banc
de la façade, elle vint lui servir une tasse de thé tiède. Alors, il s’expliqua
et lui tendit la jarre.
    — Qu’est-ce que c’est que ça ?
demanda-t-elle en l’examinant avec suspicion.
    Il se dit qu’elle était peut-être
sourde, et répéta lentement et distinctement son histoire.
    — Du lait, dites-vous ?
Du lait ? Pour quoi faire ?
    Toujours perplexe, elle se tourna
vers l’intérieur et appela :
    — ... Monsieur, pouvez-vous
venir une minute ? Je ne comprends rien à toute cette affaire.
    — Quoi ?
    Un homme contourna sans se presser
l’angle de l’auberge et demanda :
    — ... Qu’est-ce qui ne va
pas, ma bonne dame ?
    Elle lui fourra la jarre entre les
mains, mais il ne la regarda pas ni n’entendit ce qu’elle disait. Les yeux
rivés sur Musashi, il était l’image même de l’incrédulité.
    — Matahachi ! s’écria
Musashi non moins stupéfait.
    — Takezō !
    Tous deux se précipitèrent l’un
vers l’autre, et s’arrêtèrent juste avant d’entrer en collision. Quand Musashi
tendit les bras, Matahachi fit de même, en lâchant la

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