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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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homme avait quelque chose d’oppressant.
Ni l’envie ni l’esprit de compétition de Matahachi ne pouvaient lui éviter la
conscience douloureuse de sa propre incapacité.
    — Courage ! dit Musashi.
    Mais tout en administrant une
claque sur l’épaule à Matahachi, il sentait la faiblesse de cet homme.
    — ... Ce qui est fait est
fait. Oublie le passé ! le pressait-il. Tu as perdu cinq ans, et puis
après ? Ça veut dire uniquement que tu prends le départ cinq ans plus
tard. Ces cinq ans peuvent, à leur manière, comporter une leçon précieuse.
    — Ils étaient minables.
    — Ah ! j’oubliais. Je
viens de quitter ta mère.
    — Tu as vu ma mère ?
    — Oui. Je dois dire que je n’arrive
pas à comprendre pourquoi tu n’as pas davantage hérité sa force et sa ténacité.
    Non plus, se disait-il à part soi,
qu’il ne pouvait comprendre pourquoi Osugi avait un fils pareil, si paresseux
et plein d’apitoiement sur soi-même. Il avait envie de le secouer en lui
rappelant quelle chance était le simple fait d’avoir une mère. Les yeux fixés
sur Matahachi, il se demandait ce qui pourrait apaiser la colère d’Osugi. La
réponse vint aussitôt : que Matahachi fît seulement quelque chose de
lui-même...
    — ... Matahachi, dit-il avec
solennité, pourquoi donc, alors que tu as une mère comme la tienne, n’essaies-tu
pas de faire quelque chose pour la rendre heureuse ? N’ayant point de parents,
je ne peux m’empêcher d’avoir le sentiment que tu n’es pas aussi reconnaissant
que tu devrais l’être. Ce n’est pas que tu ne témoignes point assez de respect
à ta mère. Mais en quelque sorte, bien que tu jouisses de la plus grande
bénédiction que puisse avoir un être, tu parais t’en soucier comme d’une
guigne. Si j’avais une mère comme la tienne, je serais beaucoup plus désireux
de m’améliorer et de faire quelque chose qui en valût vraiment la peine, du
simple fait qu’il y aurait quelqu’un pour partager mon bonheur. Nul ne se
réjouit des hauts faits d’un être autant que ses parents... J’ai peut-être l’air
de proférer des platitudes moralisatrices. Mais de la part d’un vagabond tel
que moi, il ne s’agit pas de cela. Tu ne saurais te faire une idée du sentiment
de solitude que j’éprouve quand, devant un beau panorama, je me rends soudain
compte qu’il n’y a personne pour en jouir avec moi.
    Musashi s’arrêta pour reprendre
haleine, et saisit la main de son ami.
    — ... Tu sais toi-même que ce
que je dis est vrai. Tu sais que je parle en vieil ami, en homme du même
village. Essayons de retrouver l’état d’âme que nous avions en partant pour
Sekigahara. Maintenant, il n’y a plus de guerre, mais la lutte pour survivre
dans un monde en paix n’est pas moins difficile. Il faut se battre ; il
faut avoir un plan. Si tu essayais, je ferais tout mon possible pour t’aider.
    Les larmes de Matahachi coulaient
sur leurs mains jointes. Malgré la ressemblance des propos de Musashi avec l’un
des fastidieux sermons de sa mère, il était profondément ému par la sympathie
de son ami.
    — Tu as raison, dit-il en
essuyant ses larmes. Merci. Je ferai ce que tu dis. Je deviendrai un homme
nouveau, dès cet instant. Je suis d’accord : je ne suis pas du genre à
réussir en tant qu’homme d’épée. J’irai à Edo et je trouverai un maître. Alors,
j’étudierai ferme. Je le jure.
    — Je tâcherai de te trouver
un bon professeur ainsi qu’un bon maître pour qui tu pourrais travailler. Tu
pourrais étudier et travailler en même temps.
    — Ce sera comme de commencer
une vie nouvelle. Mais il y a autre chose qui me tracasse.
    — Quoi donc ? Je te l’ai
dit, je ferai tout mon possible pour t’aider.
    — C’est un peu gênant.
Vois-tu, ma compagne... n’est pas une femme quelconque. C’est... oh ! je n’arrive
pas à le dire.
    — Allons, sois un homme !
    — Ne te fâche pas. C’est
quelqu’un que tu connais.
    — Qui ?
    — Akemi.
    Saisi, Musashi pensa : « Pouvait-il
trouver quelqu’un de pire ? », mais il se reprit avant de le dire
tout haut.
    Certes, Akemi n’était pas aussi
dépravée sexuellement que sa mère, du moins pas encore, mais elle était bien
partie pour le devenir. Outre l’incident avec Seijūrō, Musashi
soupçonnait fort qu’il y avait eu quelque chose entre elle et Kojirō. Musashi
se demandait quel destin pervers vouait Matahachi à des femmes comme Okō
et sa fille.
    Ce dernier

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