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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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Tōji !
    Il les invita tous à l’accompagner,
et ils se mirent à battre la mesure avec leurs baguettes sur leurs assiettes,
tandis que l’un d’eux faisait résonner les pincettes contre le bord du brasero.
     
    A travers la clôture de bambou, la clôture de bambou,
la clôture de bambou,
    J’aperçus un kimono à longues manches,
    Un kimono à longues manches, dans la neige...
     
    Noyé sous les applaudissements
après la première strophe, Tōji salua, et les femmes reprirent où il s’était
arrêté, en s’accompagnant au shamisen :
     
    La fille que j’ai vue hier
    N’est pas là aujourd’hui.
    La fille que je vois aujourd’hui,
    Elle ne sera pas là demain.
    Je ne sais pas ce qu’apportera demain ;
    Je veux aimer la fille aujourd’hui.
     
    Un élève, dans un coin, tendait à
un camarade une énorme coupe de saké en disant :
    — Pourquoi ne ferais-tu pas
cul sec ?
    — Non merci.
    — Non merci ? Tu te dis
samouraï, et tu ne peux même pas avaler ça ?
    — Bien sûr que si. Mais si je
le fais, tu dois le faire aussi !
    — Ça me paraît juste !
    La compétition commença ; ils
engloutissaient comme chevaux à l’abreuvoir ; le saké dégoulinait de leur
bouche. Environ une heure plus tard, deux d’entre eux se mirent à vomir, tandis
que d’autres, réduits à l’immobilité, regardaient dans le vague, les yeux
injectés de sang.
    L’un, dont la boisson aggravait
les rodomontades habituelles, déclamait :
    — Y a-t-il quelqu’un dans ce
pays, en dehors du Jeune Maître, qui comprenne véritablement les techniques du
style Kyōhachi ? Si oui –  hic  –, je serais bien
curieux de le rencontrer...
    Un autre, assis près de Seijūrō,
riait en bégayant à travers ses hoquets :
    — Il accumule les flatteries
parce que le Jeune Maître est là. Il y a d’autres écoles d’arts martiaux que
celles que l’on trouve ici, à Kyoto, et l’Ecole Yoshioka n’est plus
nécessairement la meilleure. Dans la seule ville de Kyoto, il y a l’école de
Toda Seigen à Kurotani, et il y a Ogasawara Genshinsai à Kitano. N’oublions pas
non plus Itō Ittōsai à Shirakawa, même s’il ne prend pas d’élèves.
    — Et qu’est-ce qu’ils ont de
si merveilleux ?
    — Je veux dire : nous ne
devons pas nous prendre pour les seuls escrimeurs qui soient au monde.
    — Espèce d’idiot !
vociféra un homme dont l’amour-propre venait d’être froissé. Viens donc voir un
peu ici !
    — Comme ça ? répliqua l’esprit
critique en se levant.
    — Tu es membre de cette
école, et tu rabaisses le style de Yoshioka Kempō ?
    — Je ne le rabaisse pas !
Simplement, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient dans le temps, quand le
maître enseignait aux Shōguns, et était considéré comme le plus grand des
escrimeurs. De nos jours, il y a beaucoup plus de gens qui pratiquent la Voie
du Sabre, non seulement à Kyoto mais à Edo, Hitachi, Echizen, dans les
provinces intérieures, les provinces de l’Ouest, dans l’île de Kyushu... à
travers tout le pays. Le simple fait que Yoshioka Kempō était célèbre ne
signifie pas que le Jeune Maître et nous tous soyons les plus grands escrimeurs
vivants. C’est faux ; alors, à quoi bon nous raconter des histoires ?
    — Lâche ! Tu te prétends
samouraï mais tu as peur des autres écoles !
    — Qui donc en a peur ?
Je crois seulement que nous devrions nous garder d’être trop contents de
nous-mêmes.
    — Et de quel droit nous
fais-tu ces mises en garde ?
    Là-dessus, l’élève offensé lança à
l’autre un coup de poing qui l’envoya au tapis.
    — Tu veux la bagarre ?
gronda l’homme tombé à terre.
    — A ton service.
    Les aînés, Gion Tōji et Ueda Ryōhei,
s’interposèrent :
    — Assez, vous deux !
    S’étant levés d’un bond, ils
séparèrent les deux hommes et tâchèrent de les calmer :
    — La paix, voyons !
    — Nous comprenons tous ce que
vous ressentez.
    L’on versa dans le gosier des combattants
quelques coupes de saké supplémentaires, et bientôt les choses redevinrent normales.
Le brandon de discorde se remit à faire l’éloge de lui-même et des autres,
tandis que l’esprit critique, le bras autour du cou de Ryōhei, plaidait sa
cause en pleurnichant :
    — Je ne parlais que dans l’intérêt
de l’école, sanglotait-il. Si les gens n’arrêtent pas leurs flatteries, la
réputation de Yoshioka Kempō finira par en être ruinée. Ruinée, je

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