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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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Seijūrō
coiffa le couvre-chef et commença à se sentir plus détendu.
    — Avec ce chapeau, commenta Tōji,
vous avez l’air plus que jamais d’être le dandy de la ville.
    Tourné vers les autres, il
poursuivit sa flatterie sur le mode indirect :
    — ... Voyez donc, toutes les
dames sont penchées à leur porte pour le boire des yeux.
    La flagornerie de Tōji mise à
part, Seijūrō avait en effet grande allure. Avec à son côté deux
fourreaux étincelants, il respirait la dignité que l’on attendrait d’un fils de
famille prospère. Aucun chapeau de paille ne pouvait empêcher les femmes de le
héler au passage :
    — Hé, là-bas, le beau gosse !
Pourquoi donc te cacher la figure sous ce chapeau ridicule ?
    — Viens ici, toi, là-bas !
Je veux voir ce qu’il y a là-dessous.
    — Allons, ne sois pas timide.
Laisse-nous jeter un coup d’œil.
    A ces taquines invites, Seijūrō
réagissait en s’efforçant de paraître encore plus grand, encore plus digne. Il
n’y avait que peu de temps que Tōji l’avait pour la première fois
convaincu de mettre les pieds dans ce quartier, et cela le gênait encore d’y
être vu. Fils aîné du célèbre escrimeur Yoshioka Kempō, jamais il n’avait
manqué d’argent mais jusque récemment il avait ignoré les dessous de l’existence.
L’attention qu’il suscitait lui faisait battre le cœur. Il demeurait timide,
bien qu’en sa qualité d’enfant gâté d’un homme riche il eût toujours été un peu
poseur. La flatterie de son entourage, non moins que les avances des femmes,
stimulait sa vanité comme un doux poison.
    — Comment, mais c’est le
maître de l’avenue Shijō ! s’exclama l’une d’elles. Pourquoi nous
caches-tu ta figure ? Tu ne trompes personne.
    — Comment cette femme
peut-elle savoir qui je suis ? gronda Seijūrō à l’intention de Tōji,
en feignant d’être offensé.
    — C’est facile, répondit-elle
avant que Tōji pût ouvrir la bouche. Chacun sait que les gens de l’Ecole
Yoshioka aiment à porter cette couleur brun foncé. On l’appelle la « teinte
Yoshioka », vous savez, et par ici elle est très populaire.
    — Exact. Mais, tu le dis
toi-même, beaucoup de gens la portent.
    — Oui, mais ils n’ont pas sur
leur kimono l’écusson aux trois cercles.
    Seijūrō  abaissa les
yeux sur sa manche.
    — Je dois être plus prudent,
dit-il, tandis qu’une main, à travers le treillage, agrippait le vêtement.
    — Mon Dieu, mon Dieu, dit Tōji.
Il s’est caché le visage, mais pas l’écusson. Il voulait sans doute être reconnu.
Je ne crois pas que nous puissions faire autrement que d’entrer ici,
maintenant.
    — Comme tu voudras, dit Seijūrō,
l’air gêné. Mais qu’elle lâche ma manche.
    — Lâche-le, femme !
rugit Tōji. Il dit que nous entrons !
    Les élèves passèrent sous le
rideau. La salle où ils entrèrent était décorée d’images si vulgaires et de
fleurs si mal arrangées que Seijūrō avait peine à s’y sentir à l’aise.
Mais les autres ne prêtèrent aucune attention à l’aspect misérable des lieux.
    — Apportez-nous le saké !
dit Tōji, qui commanda aussi un assortiment de friandises.
    Une fois servis les plats, Ueda Ryōhei,
l’égal de Tōji au sabre, cria :
    — Apportez-nous les femmes !
    Il passa la commande exactement du
même ton bourru qu’avait employé Tōji pour réclamer la nourriture et la
boisson.
    — Eh ! ce vieux Ueda dit :
« Apportez les femmes ! », s’écrièrent les autres en chœur,
imitant la voix de Ryōhei.
    — Je n’aime pas qu’on me
traite de vieux, dit Ryōhei en fronçant le sourcil. Il est vrai que je
suis à l’école depuis plus longtemps qu’aucun d’entre vous, mais vous ne
trouverez pas sur ma tête un seul cheveu gris.
    — Tu dois le teindre.
    — Que celui qui a dit ça
vienne boire une coupe pour se punir !
    — Trop fatigant. Envoie-la
ici !
    La coupe de saké vola dans les
airs.
    — Et voilà un échange !
    Une autre coupe vola.
    — Eh ! que quelqu’un
danse !
    Seijūrō  cria :
    — Danse, toi, Ryōhei !
Danse, et montre-nous combien tu es jeune !
    — Je suis prêt, monsieur.
Vous allez voir ce que vous allez voir !
    Il se rendit au coin de la
véranda, se noua autour de la tête un tablier rouge de servante, piqua dans le
nœud une fleur de prunier, et saisit un balai.
    — Regardez donc ! Il va
nous faire la Danse de la Jeune Hida ! Chante-nous aussi la chanson,

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