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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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la
poignée de son sabre, et tous deux se frayèrent un chemin à travers le cercle.
    — Prenez votre temps,
conseilla l’un des porteurs.
    — Il a l’air drôlement fort,
dit un autre.
    — Préparez-vous bien, fit un
troisième.
    Tandis qu’ils adressaient à Osugi
des paroles d’encouragement et de soutien, les spectateurs observaient la scène
d’un air consterné.
    — La vieille a-t-elle
vraiment l’intention de défier en duel ce rōnin ?
    — Ça m’en a tout l’air.
    — Mais elle est si vieille !
Même son second ne tient pas sur ses jambes ! Ils doivent avoir de bonnes
raisons pour s’attaquer à un homme tellement plus jeune !
    — Ce doit être une querelle
de famille quelconque !
    — Regardez-moi ça ! La
voilà qui tombe sur le vieux. Il y a des grand-mères qui ont vraiment du cœur
au ventre, vous ne trouvez pas ?
    Un porteur accourut avec une
louche d’eau pour Osugi. Après en avoir bu une gorgée, elle la tendit à l’oncle
Gon en l’interpellant sévèrement :
    — Allons, ne t’agite pas :
il n’y a aucune raison de s’agiter. Takezō n’est qu’un pantin. Oh !
il se peut qu’il ait un peu appris à se servir d’un sabre, mais pas tant que
ça. Du calme !
    Ouvrant la marche, elle se rendit
tout droit à l’escalier du devant du Hongandō, et s’assit sur les marches,
à moins de dix pas de Musashi. Sans accorder la moindre attention ni à lui ni à
la foule qui l’observait, elle sortit son chapelet, et, fermant les yeux, se
mit à remuer les lèvres. Gagné par sa ferveur religieuse, l’oncle Gon joignit
les mains et l’imita.
    Le spectacle se révéla un petit
peu trop mélodramatique, et l’un des spectateurs se mit à ricaner sous cape. Aussitôt,
l’un des porteurs se retourna et dit sur un ton de défi :
    — Il y a quelqu’un qui trouve
ça drôle ? Il n’y a pas de quoi rire, espèce d’idiot ! La vieille a
fait tout le chemin du Mimasaka pour retrouver le bon à rien qui s’est enfui
avec la fiancée de son fils. Voilà près de deux mois qu’elle prie chaque jour
au temple, ici, et aujourd’hui, il a fini par arriver.
    — Ces samouraïs ne sont pas
des gens comme nous, estimait un autre porteur. A son âge, la vieille pourrait
vivre bien tranquillement chez elle, à faire sauter ses petits-enfants sur ses
genoux ; mais non, la voilà qui cherche à venger, à la place de son fils,
une insulte faite à sa famille. Elle a droit au moins à notre respect.
    Un troisième déclara :
    — Nous ne la soutenons point
pour l’unique raison qu’elle nous a donné des pourboires. Elle a du caractère,
c’est moi qui vous le dis ! Elle a beau être vieille, elle ne craint pas
de se battre. Je dis que nous devrions l’aider de toutes nos forces. Ce n’est
que justice, de secourir l’opprimé ! Si elle a le dessous, faisons
nous-mêmes au rōnin son affaire.
    — Tu as raison ! Mais
allons-y maintenant ! Nous ne pouvons rester ici les bras croisés, et la
laisser se faire tuer.
    Quand la foule apprit les raisons
de la présence d’Osugi, l’effervescence augmenta. Certains des spectateurs se
mirent à encourager les porteurs.
    Osugi replaça son chapelet dans
son kimono, et le silence se fit dans l’enceinte du temple.
    — Takezō !
appela-t-elle d’une voix forte, la main gauche sur le petit sabre qui pendait à
sa ceinture.
    Durant tout ce temps, Musashi s’était
tenu à l’écart, en silence. Même quand Osugi cria son nom, il feignit de n’avoir
pas entendu. Démonté par ce comportement, l’oncle Gon, debout à côté d’Osugi,
choisit cet instant pour passer à l’attaque, et, tendant le cou, poussa une
clameur de défi.
    Musashi ne réagit toujours pas. Il
en était incapable. C’était bien simple : il ne savait pas de quelle façon
réagir. Il se rappelait que Takuan, à Himeji, l’avait averti qu’il risquait de
tomber sur Osugi. Il était disposé à l’ignorer totalement ; mais ce qu’avaient
dit les porteurs à la foule le bouleversait. De plus, il avait peine à refréner
son ressentiment devant la haine que les Hon’iden avaient nourrie contre lui
durant tout ce temps. Toute l’affaire n’était rien de plus qu’une mesquine
question de qu’en-dira-t-on dans le petit village de Miyamoto, un malentendu facile
à dissiper si seulement Matahachi s’était trouvé là.
    Musashi ne savait pourtant pas du
tout quoi faire en l’occurrence. Comment riposter au défi d’une vieille

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