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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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soulagé d’apprendre que mes
« brouilleries » avec Rousselet et les Rémois derrière le dos du
jeune duc de Guise ne faisaient point l’objet de son ressentiment.
    — Quoi ! cria-t-elle, décontenancée assez par ma
gaîté, vous voilà confondu et vous avez le front de rire !
    — Madame, dis-je en me rasseyant sur l’escabelle, mais
en la reculant quelque peu, votre artificier a voulu me faire sauter hors les
divines faveurs dont vous m’avez comblé. Mais par bonheur, son pétard était mouillé.
Il a fait long feu. Oyez-moi, Madame, jusqu’au bout, et de grâce, posez ce joli
peigne en ivoire sur votre frivolité : si vous le tourmentez plus outre,
vous l’allez à coup sûr casser.
    — Parlez, Monsieur, dit-elle les dents serrées, et
sachez bien que vous ne prononcerez pas un seul mot que je ne le décroie.
    — Madame, dis-je, il ne s’agit pas de mots, mais de
faits. Primo : Louison, puisqu’il s’agit d’elle, n’est pas une
souillon de cuisine, mais une saine et gaillarde Champenoise du plat pays.
    — Quoi ! cria-t-elle, vous avez l’impertinence de
défendre cette folieuse ?
    — Madame, je vous avais prévenue : vous venez de
briser net votre joli peigne.
    — C’est ta faute, méchant ! cria-t-elle en m’en
jetant les morceaux au nez (mais j’avais pressenti ce coup, et me baissai).
    —  Secundo, dis-je, la face imperscrutable, et
peux-je vous prévenir, Madame, que c’est le quarto qui compte. Il est
vrai que la garce m’ayant rendu quelques services, et M me  de Saint-Paul
la désoccupant à son département de Reims, je la pris en mon emploi et la
ramenai en Paris.
    — Quoi ! hurla-t-elle, tu as le front, traître,
d’avouer ?
    — Madame, dis-je en me levant et parlant avec force, et
mon œil collé à son œil, je n’avoue rien de ce qui vous a navrée. Et je vois
bien qu’il faut sauter mon tertio avant que vous me sautiez à la gorge,
et que j’en vienne tout de gob à mon quarto, par où je vous désarme,
Madame, et déshonore votre rusé artificier. Du jour, Madame – oyez-moi
bien – du jour, que dis-je de la minute où vous m’avez admis en votre
amitié, je discontinuai tout commerce avec Louison, à telle enseigne que fort
déconfite d’avoir perdu mes bonnes grâces, elle est départie ce matin même pour
Reims avec un marchand-drapier.
    — Tout commerce ! cria-t-elle au comble de la
rage, tu avoues donc, traître, que tu as coqueliqué avec cette loudière !
    Et saisissant le fer à friser sur sa frivolité, elle me le
lança à la face. Après quoi, jugeant que le bombardement ne faisait que
commencer, je saisis l’escabelle et, tout en retraitant, la tins devant mon
visage, parant je ne sais combien de brosses et de pots qu’elle me jeta, ne
s’arrêtant, à ce que j’augurai, que faute de munitions. Cependant, cette
exercitation l’ayant mise hors son vent et haleine, je l’entendis souffler, et
risquant un œil sur le bord de l’escabelle, je la vis à demi étendue sur un
cancan, fort épuisée et se mordant furieusement les lèvres.
    — Madame, dis-je, posant l’escabelle à terre, et
m’avançant à elle, vous ne m’avez pas voulu ouïr ! Du jour où je vous ai
connue, je dis et je répète, et je jure, que j’ai discontinué tout commerce
avec Louison.
    — Et la preuve ? dit-elle faisant exploser le
« p » de preuve comme un pétard.
    — La preuve, dis-je, mais c’est qu’elle est départie
pour Reims.
    — Et la preuve, cria-t-elle, plus têtue que dogue
allemand, la preuve qu’elle est bien départie pour Reims ?
    — Vous la demanderez. Madame, à Péricard, à qui elle
doit porter en Reims une lettre de ma main.
    Ce dernier trait l’acheva. Pour le coup, elle me crut, se
dénoua toute, et sa roideur fondant en un battement de cil, elle m’envisagea,
puis envisagea à nos pieds tous les affiquets qu’elle m’avait lancés à la face,
et tout soudain elle s’esbouffa à rire si longuement et si fort que je crus
qu’elle ne cesserait mie.
    Ce qui suivit fut si délicieux et si facile à conjecturer
que ce serait, je crois, offenser mon lecteur que d’attenter d’aider à son
imagination. Toutefois, dès que l’entretien s’aquiéta et que les paroles
articulées prirent le relais des balbutiements, elles furent si dignes d’intérêt
et d’une portée qui tant dépassa mon particulier, que je ne peux que je ne les
rapporte dans ces pages.
    — Mamie, dis-je en me soulevant du

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