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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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comme de mon côtel, je m’accoisai,
nous demeurâmes un siècle à nous envisager sans dire miette, quoique ayant l’un
et l’autre l’esprit plus farci de pensements qu’un chien de puces. Quant à moi,
pour te le dire, lecteur, à la franche marguerite : À la revoir si belle,
je n’avais qu’une idée en tête, la prendre dans mes bras, la dérober de son
corps de cotte et de son cotillon et la vêtir de mes poutounes. Mais hélas,
comme tu sais bien, il faut à ces sortes de choses, des préfaces, des paroles
et des cérémonies : et je n’ai jamais encore connu de garce – chambrière
ou haute dame – qui voulût s’en passer.
    — Eh bien, Madame, dis-je à la parfin avec un salut
assez roide et d’une voix incertaine, vous m’avez mandé que vous m’attendiez.
Je suis là.
    — Je le vois bien, dit-elle, d’une voix très
froidureuse, quoique trémulente assez.
    À quoi, sourcillant tout soudain, elle ajouta :
    — Et vous y avez mis un temps infini.
    — Madame, dis-je, béant de la criante absurdité de ce
grief, je serais venu céans plus vite sans le changement de votre serrure, le
repoussis de votre laquais, et la défense expresse de votre premier billet.
    — Monsieur, dit-elle, l’œil tout soudain irrité et la
flamme saillant tout soudain du marbre, vous eussiez dû passer outre !
    — Quoi, Madame, me colleter avec vos laquais ! Les
daguer peut-être ! Et forcer votre huis après que vous m’avez – noir
sur blanc – traité de traître et de méchant !
    — Il fallait courre à moi vous laver de ces
affronts !
    — Madame ! criai-je, ceci est de la folie toute
pure ! J’ai passé ma journée à assiéger votre huis !
    — Cela ne suffisait pas, Monsieur, cria-t-elle tout à
plein hors d’elle-même et l’œil quasi égaré, si vous m’aviez vraiment aimée,
vous auriez traversé les murs !
    — Mais je les ai traversés, puisque je suis
céans ! dis-je, pensant à part moi qu’il fallait répondre à un fol selon
sa folie. Quoi disant, je me jetai à ses genoux et voulus lui prendre les
mains, lesquelles elle échappa des miennes et commença à me faire graffignures
et frappements – petits jeux par lesquels elle m’incitait souvent à des
jeux plus suaves – mais observant que cette fois elle n’y allait pas à la
tendresse, je capturai ses petites griffes et les maintenant serrées sur ses
propres genoux, ceux-ci étant eux-mêmes emprisonnés par mes coudes, pour
qu’elle ne me lançât pas de ruades (ce qu’elle attenta une ou deux fois de
faire), je lui dis :
    — Madame, trêve de ces jeux de vilain ! Parlons
net et rondement, et à la vieille française. D’où, et de quoi, et de qui me
vient ce mot sale et fâcheux de traître que vous m’avez jeté à la face ?
    — Monsieur ! cria-t-elle. Vous
m’emprisonnez ! Ceci est indigne ! Oubliez-vous qui je suis ?
Lâchez-moi ou j’appelle mes laquais pour qu’ils vous jettent hors !
    — Madame, vous leur avez jà donné l’ordre de me
repousser, puis l’ordre de m’admettre, et si vous leur commandez de présent de
me chasser, que vont-ils penser, et dire, et conter, et jaser par tout
l’univers !
    — Peu me chaut ! Lâchez-moi ou je crie !
    Et moi, m’apensant qu’au degré d’irraisonnableté où elle
était tombée il se pouvait bien qu’elle huchât, je laissais aller tout soudain
ses mains, mais non sans me lever d’un bond et me rejeter en arrière ; en
quoi je fis bien, car ses griffes jetées toutes deux en avant avec une
incrédible vivacité manquèrent de peu ma face.
    — Madame, dis-je gravement en mettant une bonne toise
entre elle et moi et en m’adossant au mur, ces jeux de batterie sont indignes,
et de vous et de moi ! Cornedebœuf, Madame ! Le Seigneur vous a donné
une langue ! Servez-vous-en ! Elle vous sera de plus d’usance avec
moi que vos ongles ! Madame, je le répète encore : qui vous a fait
croire que je vous ai trahie !
    — Mais je ne le décrois pas ! cria-t-elle très à
la fureur et ses yeux bleus tournant au gris acier, j’en suis certaine, ayant
toute fiance en celui qui m’a ouvert les yeux !
    — Tiens donc ! dis-je, un gautier, ce me semble, à
moi très affectionné ! Et que vous a dit cet artificier ?
    — Que vous aviez ramené de Reims une souillon de
cuisine, avec qui vous n’avez cessé de coqueliquer comme rat en paille depuis
votre retour en Paris.
    À quoi je ris à gueule bec, fort

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