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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mot ?
    — Miroul, je ne le peux.
    — Moussu, videz votre gobelet. Il est encore plein de
vin à demi.
    Ce que je fis.
    — Moussu, allez-vous mieux ?
    — Maigrement.
    Quoi disant, je me jetai sur le cancan et dis d’une voix
sans force.
    — Le cœur me toque et mes gambes trémulent. Miroul,
n’est-ce pas étrange de se mettre en tel martel, et si âpre, pour une petite
femmelette de femme, laquelle, au surplus, m’a si mal traité. Cap de
Diou ! Me changer la serrure ! Me laisser dans la rue, ma clef
sans usance en la main ! Me repousser de sa porte ! M’appeler
« méchant » et « traître » ! Un homme serait mort
mille fois, s’il m’avait osé faire ces braveries !
    — Hé, ce n’est point un homme que vous aimez !
    — Vramy ! Vramy ! Mais n’est-ce pas folie de
s’attacher tant à une créature de Dieu ! C’est Dieu que nous devrions de
prime aimer !
    — Et Jésus, dit Miroul l’air dévot et bénin, et le
Saint-Esprit. Et vivre, comme moine, en cellule, dans la prière et la
macération. Et n’étreindre, en pensée, que des êtres insubstantiels. Moussu,
vous avez raison. Nous aimons trop la créature, et pas assez le créateur.
    — Miroul, tu te gausses.
    — Point du tout. Fi donc de tout cela qui n’est pas
éternel ! Je m’en vais de ce pas retenir pour vous et moi les deux plus
dénudées cellules du couvent des Augustins. Ha ! Moussu ! Quels
délices de ne vivre qu’en pensant à sa mort !
    Mais c’est à peine si je l’oyais, n’ayant que mon ange dans
l’esprit.
    — Ha ! Miroul, comment se fait-il que cette femme
que le monde entier et le roi lui-même tiennent pour la dame la plus douce et
bénigne du royaume m’ait été si cruelle ?
    — Pour ce qu’elle vous aime.
    — Quoi ! Aimer, serait-ce donc cela aussi ?
Être cruel ?
    — Moussu, vous devriez le savoir.
    Mais nous ne pûmes débattre plus outre, Thierry vint se
poser sur le seuil, portant un pli, j’allais dire dans le bec, lequel je lui
arrachai :
    — Moussu, me dit Miroul en oc à l’oreille, ne l’ouvrez
pas devant le galapian. Baillez-lui son écu, et qu’il s’en aille.
    — Voilà ton écu, alouette ! dis-je en le lui
jetant, lequel il attrapa au vol, et tout soudain s’envola lui-même pour
l’aller montrer à Luc, j’imagine, et à ce que plus tard j’appris, à tout le
domestique.
    Je rompis le cachet, et lus le billet dont l’orthographe
était damnable et le contenu elliptique :
     
    Je
vou zatan
    Catherine
     
    — Ha ! Moussu : cria Miroul quand je lui
tendis le billet. Nous avons gagné ! Tant elle a hâte de vous voir, elle
vous attend ! Elle ne vous fixe même pas une heure. Et qui plus est, elle
signe Catherine ! Sans faire suivre son prénom de son titre comme à
l’accoutumée. C’est la femme qui vous écrit et non point la haute dame.
    Mais jà je ne l’oyais plus. C’est à peine si je pris le temps
de reboutonner ma fraise et de ceindre mon épée, et à l’écurie où je courus, je
trépignai d’impatience en attendant que Pissebœuf me sellât mon cheval, et
Poussevent, celui de Franz, lequel me dit plus tard qu’à son très grand émoi,
je galopai follement sur les pavés ruisselants d’une récente ondée, ma jument
Pompée manquant deux fois de glisser et de s’abattre sans que j’en eusse cure.
    La duchesse me reçut, non point comme je cuidais qu’elle le
ferait, en la pompe de son salon, mais dans son cabinet, lequel se trouvait, en
effet, davantage hors d’oreilles des domestiques, et moins éclairé aussi,
n’étant illuminé que par chandelles, tant est que si curieusement que je
scrutais sa face, laquelle s’encontrait, en outre, plus pimplochée qu’à
l’accoutumée, je n’y trouvai pas les traces que Miroul y avait prédites, et ne
pus dire si elle s’était meurtrie assez par ses propres duretés pour pleurer.
Ha ! belle lectrice ! Que l’amour est étrange et que de secrètes
férocités il recèle ! Moi qui aimais cet ange plus que moi-même, je me
trouvais comme déçu qu’elle n’eût pas été, à me quitter, plus malheureuse que
les pierres !
    Cependant, pimplochement, chandelles et orgueil ne font
point tout : il y faut aussi la voix, laquelle paraissait faillir à ma
petite duchesse, qui me fit signe de m’asseoir sur une escabelle, et demeura un
long temps à m’envisager, le parpal oppressé, et les lèvres ouvertes, mais sans
piper, se peut sans en avoir la capacité. Et

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