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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fit là ?
    — Je ne lui dirai pas de présent, dit Don Luis avec un
sourire tout ensemble poli et distant, mais quand nous serons de retour en nos
Espagnes, ce qui, selon mon sentiment, ne saurait maintenant tarder prou.
    Il me laissa quasi abruptement sur ces paroles, mais il en
avait dit assez pour me montrer que le camp espagnol commençait à douter de
pouvoir faire obstacle beaucoup plus longtemps à l’absolution de mon roi. En
outre, il me donnait une version des faits qui révoquait en doute l’omniscience
dont s’était prévalu Fogacer, lequel avait vu dans Don Luis l’instrument de mon
salut et supposait que les Florentins m’avaient introduit chez Teresa pour que
je devinsse son ami. Double erreur : les Florentins, en me conseillant de
vivre très à l’étourdie, n’avaient pas vu si loin, et Doña Clara avait agi
seule, à l’insu de son cousin. Ha ! m’apensais-je, Fogacer ! Mon frère !
mon très cher ami ! Il faudra que d’ores en avant, je ne fasse pas autant
fiance en tes dires, lesquels se laissent d’évidence emporter bien au-delà des
faits par la folle du logis…
    J’en étais là de ce pensement quand Giovanni Francesco
Aldobrandini me vint prendre en souriant par le bras, et m’entraîna à part.
    Giovanni Francesco, dans l’État pontifical, était diplomate
et neveu du pape, cette dernière qualité expliquant la première. Car à la
vérité, je ne saurais mieux le décrire qu’en disant qu’il n’était ni grand ni
petit, ni gros ni maigrelet, ni beau ni laid, ni brillant ni obtus. Cependant,
s’il désarmait les méchants par sa médiocrité dorée, il séduisait les bonnes
âmes par une bénévolence qui était la seule chose véritablement remarquable en lui.
    —  Marchese, me dit-il en gardant son bras sous
le mien, si comme je l’ai ouï, c’est à l’envoi de M. de La Surie
à Paris que je dois mon rappel de Madrid, je dois confesser que je vous suis
infiniment reconnaissant pour la raison que je m’ennuyais mortellement en
ladite ville et plus encore en l’Escorial, qui est moitié monastère moitié
tombe, mais une tombe de grandissimes dimensions, l’humeur de Philippe le
portant au démesuré. On l’a vu, de reste, pour l ’Invincible Armada, et
pour toutes les entreprises où il tâche coutumièrement d’avaler plus qu’il ne
peut gloutir. Raison pour quoi, malgré qu’il reçoive tant d’or par ses galions
des Indes, il est sur le chemin, dépensant plus encore qu’il ne reçoit, d’avoir
banque rompue… En plus, il pâtit affreusement de la goutte et sa cataracte
menace de le rendre aveugle.
    Giovanni Francesco me débita tout cela d’un air ouvert et
léger, comme paroles mondaines et de nulle conséquence, toutefois à un petit
brillement que je surpris dans sa prunelle noire, il me sembla qu’il n’était
pas, se peut, si simple et si étourdi qu’il paraissait et qu’il me communiquait
là – Senza aver l’aria di accemarvi [99]  – des informations fort
précieuses sur la « banque rompue » de Philippe, laquelle, si elle se
confirmait, voudrait dire qu’il ne pourrait, faute de pécunes, continuer
beaucoup plus longtemps la guerre contre mon roi.
    Cependant, Giovanni Francesco, m’entraînant par le bras à
marcher qui-cy qui-là dans la salle (non sans que Don Luis ne nous jetât de
loin quelques suspicionneux regards), j’entendis bien, quand il baissa la voix,
qu’il avait une nouvelle à m’impartir qui passait, se peut, en importance même
ce qu’il venait de me dire et tout soudain, je me sentis fort trémulent,
l’oreille dressée et l’esprit en alerte.
    — Votre idée, Marchese, poursuivit-il sotto
voce, d’entretenir les cardinaux un à un, au bec à bec, sous le sceau du
secret a ravi Sa Sainteté, qui en a vu aussitôt tous les avantages (il
sourit en prononçant ces mots) et ayant hier convoqué les cardinaux en
congrégation générale – je dis bien, en congrégation, et non en
consistoire, pour la raison qu’en congrégation les cardinaux ne délibèrent ni
ne votent – il leur exposa tout du long quelle avait été son attitude à l’égard
du prince de Béarn depuis les débuts de son pontificat, l’inutilité de ses
efforts pour contrarier son ascension, ledit prince marchant de succès en
succès. De guerre lasse, et comme ce prince continuait à solliciter son
absolution, il avait décidé de recevoir son ambassadeur. Assurément, reprit le
Saint Père en poussant un

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