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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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s’ouvrira.
    Je veux bénir
ton nom sans cesse
    Tant que mon
pauvre cœur battra.
    Et quand ma
voix perdra l’essor,
    Mes soupirs
parleront encore.
     
    Pour le coup, je vis bien que les catholiques présents et M me  de Guise
s’alarmèrent beaucoup. Les uns parce qu’ils se demandaient si le roi ne prenait
pas sournoisement le chemin de retourner à son hérésie, la duchesse, parce
qu’elle craignait le retentissement que les ennemis du roi – lequel était
son proche cousin et qu’elle aimait prou – donneraient urbi et orbi à cette petite écorne au rite catholique. Et M me  de Montceaux
qui ne manquait pas d’esprit, et désirait d’autant plus ménager le pape et le
clergé qu’après le divorce du roi d’avec Margot, elle entendait bien devenir
reine, dès lors qu’elle observa le scandale muet du clan catholique à voir le
roi chanter un psaume, se déganta promptement, et comme elle seule en tout le
royaume se le pouvait permettre, posa sa belle main sur la bouche du roi. Il se
tut. Et Madame voyant son frère s’accoiser, n’alla pas plus outre dans
son pieux murmure, tant est que les huguenots, à la fin, cessèrent de chanter,
mais indignés, mais frémissants, jetant plus d’un œil courroucé à cette Dalila
qui, sous leurs yeux, faisait le poil à leur pauvre Samson, d’aucuns d’eux
laissant échapper ces paroles qui ne furent dites si bas que tous ne les
entendissent :
    — Voyez-vous cette vilaine qui veut engarder le roi de
chanter les louanges de Dieu ?
    Et cornedebœuf ! Je ne leur donnai pas tort !
Quoi ! Des vers si naïfs ! Des paroles tant innocentes ! Faut-il
que les catholiques s’en offusquent ! Le duc de Mayenne au roi réconcilié
par sa conversion, Joyeuse rallié, la Ligue ne battant plus que du quart d’une
aile, et la France (hormis la Bretagne) quasi toute pacifiée, les épées
doivent-elles encore démanger dans les fourreaux, parce qu’un Français oit la
messe et un autre chante les psaumes ?
     
     
    Le 11 de ce même mois de mars qui faillit, comme je vais
dire, être si funeste à la France, je m’encontrai au Louvre m’entretenant avec
M. de Rosny, quand un gentilhomme appartenant au maréchal de Biron
vint nous dire que son maître donnait un ballet en l’honneur de l’enfantelet
qui était né à M me  la duchesse de Montmorency-Damville et que
le roi avait tenu le 5 sur les fonts baptismaux. Or, il ne s’était trouvé pour
le moment que treize galants (le maréchal compris) et pour échapper à ce
chiffre, le maréchal quérait M. de Rosny de faire le quatorzième.
    — Je ne peux tout de gob, dit M. de Rosny
(qui pour être huguenot n’était point pisse-froid le moindre et aimait baller
autant que fils de bonne mère en France), ayant encore à m’entretenir avec le
roi, mais si M. de Siorac consent à être votre homme jusque vers la
minuit, je le viendrai relever alors.
    À quoi je tordis quelque peu le nez, car depuis ce fameux
baptême, ce n’était à la Cour que momeries, déguisures, pantomimes, jeux
innumérables, festins à vous éclater le gaster et ballets ensuite jusqu’à la
pique du jour, puisqu’on sait bien qu’après la panse vient la danse. Mais
M. de Rosny me disant qu’étant moi-même si bon cavalier et si raffolé
des dames, je ne pouvais leur faire à elles tant d’injure et à M. le
maréchal tant d’affront que de me dérober, et le gentilhomme dudit maréchal me
pressant à son tour, à la parfin je cédai.
    — Siorac, me dit M. de Rosny quand le
gentilhomme fut départi, vous avez bien fait d’accepter, fût-ce à
rebrousse-poil. Vous eussiez peiné prou Biron. Et d’autant que vous savez bien
pour qui et pour quoi il veut donner ce ballet.
    Bien savais-je en effet, belle lectrice, que le maréchal,
qui avait alors trente-trois ans et jetait tout son feu aussi bien au combat
qu’au déduit, se trouvait follement épris d’une des plus belles dames de la
Cour [102] , laquelle avait un mari vieil que
pour de dignes raisons je ne veux pas nommer céans, et sous le prétexte de cet
enfantelet dont, de reste, il se souciait comme d’une guigne, il n’avait
improvisé cette danse que pour encontrer ladite dame, lui parler au bec à bec
et avancer, se peut, ses petits bataillons.
    À peine fus-je entré dans l’hôtel de Biron, tout scintillant
de mille chandelles, que je cherchai des yeux M me  de Guise
et, ne la trouvant point, aussitôt le monde grisailla à mes yeux

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