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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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habitée que par la
joie trémulente et bondissante de revoir ma jolie duchesse, mes affections
domestiques ne venant prendre le relais de mes songes qu’à la réflexion, et non
sans quelques petits remords de ne les avoir plus tôt envisagées.
    Le lendemain de mon advenue à Paris, alors que la fesse me
doulait encore d’avoir trotté si longtemps par les grands chemins du monde, le
roi me reçut en son Louvre. Il était jà en sa coite couché et, après avoir lu à
la chandelle la lettre de Du Perron et d’Ossat, exigea de moi un récit
complet des intrigues vaticanes touchant l’absolution, du moins à partir du
moment où Giovanni Francesco était revenu de Madrid, ce qui précédait lui ayant
été conté par Miroul. Récit que je tâchai de lui faire le plus concis, clair,
vif et ébaudissant que je pus, sachant combien Sa Majesté détestait les
phrases. Lesquels récits étant terminés, Elle me posa sur cette grande affaire
quelques petites questions si précises et si aiguës qu’elles me donnèrent à
penser qu’il avait eu en Rome, dans le temps que j’y étais, d’autres informateurs
que moi-même, La Surie ou d’Ossat. Je n’en fus pas autrement navré,
sachant que Henri, dans les affaires civiles comme dans les militaires, tâchait
toujours d’ouïr plus d’un son de cloche.
    Je lui contai aussi la très gracieuse réception que le grand-duc
de Toscane m’avait faite à Florence, sans omettre l’insigne honneur de ma
présentation à Marie de Médicis, dont je louai l’apparence fraîchelette et
rondelette. Mais le roi m’écoutant avec un certain souris, toutefois sans me
poser questions sur son caractère, je me tus prudemment là-dessus. Il ne
m’échappait pas que Sa Majesté s’étant de présent accommodée avec le pape,
Elle pourrait lui demander de rompre sa très désunie union avec Margot afin
que, se remariant, il pût donner un héritier au trône. Le bruit courait qu’il
avait eu la faiblesse de promettre mariage à la belle Gabrielle, mais
l’opposition à cette mésalliance s’encontrait jà si forte dans l’État qu’il
était à supposer que Henri n’aurait pas le front de passer outre et qu’en ce
cas il devrait, dans les Cours d’Europe, chercher princesse à son pied,
laquelle devrait être catholique, sans être espagnole ni autrichienne, ce qui
rétrécissait prou le choix. En outre, les Florentins, en raison de l’aide
grandissime qu’ils nous avaient apportée dans l’affaire de l’absolution,
reluisaient meshui excessivement dans l’estime du roi.
    Henri, m’ayant avec des paroles très aimables remercié de
mes bons services, me dit que son trésorier m’allait verser sur son
commandement 10 000 écus, mais il me fallut attendre deux ans pour
que cette promesse fût tenue, le roi ne m’ayant derechef employé qu’en mars
1597.
    Bien me ramentois-je qu’au début de ce mois-là, je fus chez Madame, sœur du roi, pour ce que celle-ci étant souffrante, j’avais appris que la
duchesse de Guise – avec laquelle mon commerce, loin de se
discontinuer, s’était à ce point approfondi que je ne concevais même plus le
désir de lui être infidèle – la devait aller visiter à la vesprée, et
combien que j’eusse joui de la compagnie de ma belle toute l’après-midi,
j’étais encore tant irrassasié de sa présence que, même contraint par celle des
autres, j’aspirais à la revoir. En outre, je respectais infiniment Madame, laquelle,
si elle n’avait pas beaucoup de beauté (ayant ce long nez courbe et bourbonien
qui chez une femme étonne), brillait en ce trouble siècle des plus claires
vertus, dont la moindre n’était pas son adamantine fidélité à la religion
réformée, dans laquelle elle était demeurée ferme comme roc, après la
conversion de son frère, et dans les dents d’une terrible pression du clergé,
du pape, de la noblesse, des grands corps de l’État et du populaire.
    Comme je l’avais jà observé lors de l’agonie de mon
bien-aimé maître, le roi Henri Troisième, tout est public chez les
princes : leur naissance, leurs intempéries et leur mort. Et si la décence
ne le défendait point, à peu que les courtisans ne demeurassent la nuit en la
chambre de leur roi pour s’assurer qu’il travaillait diligemment à donner un
dauphin au royaume.
    C’est dire que dans la chambre de Madame, ce soir-là,
je trouvai une cohue d’une quarantaine de seigneurs et de dames, pour la
plupart huguenots, et

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