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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et les chandelles
elles-mêmes me parurent moins vives. Toutefois, ayant quelque réputation à
soutenir, je me mis à quelque peine pour faire le galant auprès des dames qui
s’encontraient là, mais sans pousser le jeu au-delà d’un coutumier et courtois
badinage, cependant n’attendant que l’advenue de Rosny pour prendre congé de
mon hôte. Il vint enfin, comme il avait dit, sur la minuit et, sans tant
languir, je m’esquivai et au logis revenu, prenant à peine le temps de me
dévêtir, je me jetai sur ma coite.
    Cependant, juste comme je m’ensommeillais, les deux dogues
allemands que je lâche la nuit dans ma cour de devant se mirent à aboyer, et
tirant la sonnette pour appeler Franz et connaître la raison de cette noise et
vacarme, Franz, à demi vêtu, apparut après un temps qui me parut fort long et
me dit que M. de Beringuen avait toqué à l’huis comme fol ; que
l’ayant reconnu à travers le judas, et M. de Beringuen lui disant
qu’il venait de la part du roi, il avait mis les dogues à l’attache et donné l’entrant
à ce seigneur qui paraissait tout à plein hors de lui, se tordait les mains
sans discontinuer, et avait le visage tout chaffourré de chagrin et
d’épouvante.
    Fort alarmé moi-même, je sautai dans mes chausses et mes
bottes et sans prendre le temps de boutonner mon pourpoint, je descendis le
viret en courant au risque de me rompre le col, et trouvai Beringuen, pâle
comme un cierge et les traits décomposés.
    — Ha, mon ami ! cria-t-il en se jetant dans mes
bras, quel malheur ! Quel affreux malheur ! Hélas, pauvre roi !
Tout est perdu !
    — Quoi, dis-je, qu’est cela ? Le roi est-il à
l’agonie ?
    — Nenni ! nenni ! dit Beringuen, la voix
entrecoupée, la Dieu merci, il est sain et gaillard !
    — Alors, rien n’est perdu, mon ami ! criai-je avec
force. Mais parlez, parlez ! À la parfin, éclairez-moi ! Quel est
donc cet affreux malheur qui vous fait trémuler, vous que je sais si
vaillant !
    — Ha ! Monsieur, dit-il, pardonnez-moi ! Mais
le roi m’a défendu d’en toucher mot et entend vous le conter à vous-même,
parlant à votre personne, vous priant de le venir voir sur l’heure en son
Louvre ainsi que M. de Rosny, lequel, par la male heure, je n’ai pas
trouvé au logis.
    — Mais moi, je sais où il est ! criai-je.
    Et appelant Franz, je lui commandai d’apporter mes armes, et
aussi du vin pour Beringuen, pour qu’il se confortât quelque peu, pendant que
j’achevais de passer ma vêture.
    — Mais quoi, Beringuen, dis-je, vous n’êtes pas armé,
avez-vous une escorte ?
    — Nenni ! nenni ! Je n’ai pas pris le temps
de la réunir tant le roi me parut pressé.
    — Cornedebœuf ! dis-je, en Paris, à une heure du
matin, sans escorte ! C’est folie ! Chevalier, dis-je à La Surie
qui venait d’entrer, rassemblez à la hâte nos gens et me suivez à cheval. Nous
allons chez Biron.
    Je fis donner deux pistolets à Beringuen et deux encore à
son cocher, et sans attendre l’escorte que La Surie s’affairait dans la
cour à rassembler, je montai dans la carrosse, dont les chevaux, dans ma rue du
Champ Fleuri, qui est étroite assez, prirent le tout petit trot, mais dès que
nous eûmes passé dans la grand’rue Saint-Honoré, laquelle était beaucoup plus
large, Beringuen passa la tête par la portière et cria au cocher d’aller au
galop. Cependant, parvenu à la rue de la Ferronnerie, la carrosse dut mettre au
pas derechef, tant la rue, déjà si étroite, était rétrécie par toutes les
boutiques qui, en violation des arrêts royaux, s’étaient construites en
appentis du mur du cimetière des Innocents et empiétaient sur la chaussée,
laissant à peine la place à une charrette ou une coche.
    C’est là – et lecteur, je te prie de bien vouloir en
croire ma parole, si étrange que paraisse la coïncidence –, c’est là,
dis-je, juste au moment où je m’apensai que c’était l’endroit rêvé pour une
embûche, que la carrosse s’arrêta.
    — Tudieu ! cria Beringuen, qu’est cela ?
    — Monsieur, dit le cocher, deux petites charrettes à
bras entrecroisées barrent le passage. Je les vais ôter.
    — Garde-t’en bien ! dis-je, prépare tes armes,
descends et ouvre-nous.
    Ce qu’il fit, et une fois que nous fûmes sur le pavé tous
les trois, je découvris, derrière les charrettes, quelques ombres que les
lanternes de la carrosse éclairaient d’autant plus confusément

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